mardi 25 décembre 2012
Jean Marais et les Rois de France ...
Pour beaucoup, Jean Marais est indissociable de l'idée que l'on se fait d'un gentilhomme de l'époque moderne au cinéma. Et comme souvent, de l'épée à la perruque poudrée il n'y a qu'un pas, une récente vision de Si Paris nous était conté (1956) me questionne sur les relations cinématographiques de Jean Marais avec les Rois qui firent la France.
Étonnamment, il n'a joué que deux Rois au cinéma (si l'on excepte le Roi fictif de Peau d'âne). Dans Si Versailles m'était conté, il incarne Louis XV avec beaucoup d'a priori, selon la volonté de Sacha Guitry. Bel homme de son temps, Marais en était l'interprète idéal - même si la ressemblance n'est pas flagrante - et puisque l'on ne parle du successeur de Louis XIV qu'à travers ses frasques amoureuses, l'auteur et réalisateur se fait plaisir d'emblée avec une superbe réplique : Je ne suis pas éloigné de lui préférer Trianon. On doit y faire mieux l'amour ... et dès ce soir j'aimerais que vous fussiez de mon avis ! - comment la belle Micheline Presle/Pompadour pourrait résister à tant d'élégance ? Hormis une jolie scène (parfaitement improbable) où il évoque la France des Lumières entre Voltaire et Fragonard, ce Louis XV est honteusement empli de clichés sur un monarque qui a fait plus qu'on ne veut bien le croire (1). Pourtant, on se plait à l'imaginer sous les traits charismatiques d'un Jean Marais qui porte bien les costumes !
Trois ans plus tard dans Si Paris nous était conté, Jean Marais est de nouveau Roi de France et se plie encore aux excentricités de Sacha Guitry sous les traits d'un François Ier qui ne parle ... que d'art et d'amour ! Après avoir dévoilé La Joconde à une partie de sa Cour, habillé comme sur un tableau de Clouet, il ordonne qu'elle ne quitte plus le Louvre (elle fut en réalité installée à Fontainebleau dans un premier temps), distribue des pensions aux artistes et s'inquiète pour sa famille. Cette séquence délirante est ponctuée comme il se doit par une nouvelle réplique mémorable : Madame, quant à toi, fais moi ta révérence ... et vient faire l'amour avec le Roi de France ! Pauvre Jean Marais, ces deux rôles de Rois ne sont pas des références dans sa carrière et ne peuvent en aucune manière être pris pour une leçon d'Histoire. Au contraire même, ils contribuent à caricaturer la figure de Rois importants dans l'Histoire de France. Restent des séquences comiques.
Dès lors, il nous est permis de préférer Jean Marais au service des Rois de France qui, seconds rôles, deviennent un peu moins grotesques. Dans La Tour, prends garde ! (1957), il se retrouve simple baladin à chanter devant le Roi Louis XV (Jean Lara) - vieille connaissance - interprété avec plus de retenue ! En 1960, dans Le Bossu, il manque encore de le retrouver mais ne fait face qu'à son cousin, le Régent Philippe d'Orléans (Paul Cambo) pour un duel avec Gonzague et des retrouvailles amoureuses. Son face à face le plus intéressant avec un Roi de France reste probablement celui du Capitan (1961) où, envers et contre les Angoulême, il défend la légitimité du jeune Louis XIII, interprété avec beaucoup d'élégance par Christian Fourcade. Le Chevalier de Capestan a toujours été votre plus loyal serviteur et avant que le combat ne commence, il s’efforçait pour la seconde fois de rallier la noblesse à votre cause ! Ainsi Jean Marais est un bien meilleur serviteur de Roi que souverain de cinéma.
Dans La Princesse de Clèves (1961), il fait face rapidement à Henri II (fils de François Ier) et on remonte encore dans le temps, au XVe siècle, la même année, pour Le miracle des loups où il est à nouveau l'humble serviteur du Roi de France, le méconnu Louis XI. Preuve que son obligeance n'est pas oubliée, c'est le Roi en personne (Jean-Louis Barrault) qui lui donne la main de sa fiancée avant l'indispensable et chaste rapprochement des têtes sans baiser (qui rappelle Le Bossu).
Son passage auprès de Louis XIV, sans doute le Roi de France le plus connu, est curieusement anecdotique (dans Le Masque de fer, 1962), il est vrai que l'on imagine mal Jean Marais auprès d'un Roi qui, dans l'imaginaire collectif, n'aurait pas besoin d'un vaillant serviteur pour le défendre. Avec quelques films, il est donc possible de voir l'Histoire "en creux" et de s'intéresser à l'image que l'on donne des Rois dans les scénarii où Marais galope autant qu'il pourfend, toujours pour la justice et l'honneur. De Louis XI à Louis XV, c'est autant de personnalités qui sont décrites en marge de l'évolution de l'Histoire de France sur plusieurs siècles, des derniers tournois entre chevaliers aux fastes de Versailles à la veille de la Révolution. Avec amusement, on constate également l'évolution du personnage historique de Jean Marais : de Roi au milieu des années 50, il devient le protecteur du Roi dans les années 60 et obtient par là-même ses plus grands succès. On ne saurait aujourd'hui l'imaginer autrement qu'en gentilhomme d'honneur - voire en gentilhomme d'amour comme le laissait supposer Nez-de-cuir en 1951 - car ses créations royales font rire à leurs dépends.
(1) : Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989.
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