Salonique, nid d'espions est une très belle surprise. Réalisée en 1937 par Georg Wilhelm Pabst, réalisateur allemand exilé en France depuis l'arrivée au pouvoir des nazis dans son pays, cette aventure d'espionnage mériterait d'être redécouverte. Servie par un imposant casting franco-allemand, elle a l'originalité de proposer une histoire traitant des services d'espionnage pendant la Première Guerre Mondiale, qui plus est sur le front d'Orient entre la Grèce et la Bulgarie - une partie de l'Europe en guerre souvent méconnue du grand public, à l'image du Capitaine Conan de Vercel (adapté au cinéma par Bertrand Tavernier en 1996). En outre, l'espion de grand talent et recherché activement par les Alliés est une femme, autour de qui tout s'organise. Cette seconde originalité ne doit, toutefois, pas faire illusion, Salonique est un film d'hommes, où LA femme est un homme comme les autres. L'argument posé, le film offre tous les éléments classiques d'un grand film d'aventures, fait de jolies femmes mystérieuses, d'agents doubles, de traîtres, d'hommes d'honneurs, d'exotisme et d'un petit brin de fantaisie.
Le seul problème du film vient, hélas, de la copie abîmée, très médiocre et aujourd'hui introuvable dans une meilleure version DVD - d'où parfois un souffle ou des plans coupés qui rendent inintelligibles quelques scènes, ce qui dérange dans un film d'espionnage où chaque élément a son importance. Qu'importe puisque le résultat est plus qu'agréable à visionner. On y retrouve pêle-mêle Pierre Blanchar en agent à double tranchant, argument comique du film avec son improbable fez vissé sur la tête ; Louis Jouvet en sombre espion allemand, très sobre même lors d'une jolie séquence comique avec Jean-Louis Barrault, manifestement fou ; Charles Dullin dans un trop court rôle d'officier ; Pierre Fresnay dans un ersatz sans épaisseur du capitaine de Boëldieu de La Grande Illusion (Renoir), tournée la même année ! ; Viviane Romance sous employée à jouer les charmantes danseuses de cabaret, même si son rôle est important ; Dita Parlo enfin, en espionne sensuelle et courageuse.
Salonique souffre de quelques longueurs, dues à une baisse de rythme que l'on retrouve dans beaucoup de films de cette époque, qui n'utilisent pas assez la musique. Pourtant, force est de reconnaître l'évident plaisir qui se dégage de ces scènes entre Pierre Blanchar, Pierre Fresnay et Dita Parlo ; Louis Jouvet et Jean-Louis Barrault. Le réalisateur sert un grand spectacle sur un fond historique oublié, avec suspens et action (une jolie course poursuite en voitures à la fin). Une sortie restaurée en DVD serait vraiment une grande idée et permettrait au plus grand nombre de redécouvrir ce charmant film d'espionnage.
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