En quelques mots : Algérie, au début des années 60 ; un groupe de soldats s'engage dans un commando de chasse, commandé par un lieutenant qui a fait l'Indochine. Jeunes et antimilitaristes, ils trainent les pieds, et décident de faire prisonnier le gradé quand ils apprennent le putsch des généraux. Un d'entre eux, Noël, reste le plus solitaire du groupe et n'hésitera pas à jouer les déserteurs le moment venu.
J'ai hésité à chroniquer ce film, tant il semble en marge de ce que j'appelle sur ce blog l'âge d'or du cinéma français : tourné au début des années 70, sans star, par un réalisateur militant et engagé, pour un budget réduit et en 16mm. Pourtant, la découverte de ce film (qui ressort entièrement restauré dans les salles le 3 octobre) m'invite à croire qu'il est ancré dans une certaine tradition du cinéma français, plutôt à gauche, aux idées humanistes et pacifistes. On n'est pas loin de La Grande Illusion de Jean Renoir - l'insolence et la clandestinité en plus, la maîtrise technique et la puissance en moins.
J'ai découvert René Vautier il y a quelques temps déjà, puisqu'il fut au début des années 50 le réalisateur du premier film anticolonialiste français (Afrique 50), sujet qui dans sa globalité me passionne. Avoir 20 ans dans les Aurès était difficilement visible jusqu'à aujourd'hui : bien qu'il fut récompensé à Cannes, son format 16 mm, l'amateurisme de l'équipe technique et des questions de droit en faisaient un film quasi clandestin. Sa ressortie permet de mesurer l'importance du sujet traité : la guerre d'Algérie (tourné 10 ans après les accords d'Evian), des soldats qui rejettent l'armée, jouent avec les conventions, ligotent un officier, violent les femmes et un soldat qui refuse de tirer, avant de s'enfuir avec un prisonnier ennemi.
On peut comprendre que les autorités françaises ne furent pas emballées par ce film, qui fut censuré longtemps et projeté dans des ciné-clubs, la plupart du temps militants. J'ai eu l'occasion de voir ce film en présence de René Vautier (au TNB de Rennes), vieil homme dont la mémoire ne flanche pas, toujours aussi passionnant à écouter. Il raconte notamment les frasques de Philippe Léotard, restant militaire même en dehors du tournage quand il partait se saouler dans les bars alentours.
L'amateurisme se ressent toutefois dans la mise en scène (ce film fut tourné dans des conditions difficiles, en 10 jours !) mais jamais dans le jeu des acteurs, pourtant souvent amateurs : on retrouve aussi Jean-Jacques Moreau, Jean-Michel Ribes et le jeune Alexandre Arcady, pas mauvais acteur. Loin du film colonial français par excellence, tels Pépé le Moko, La Bandera, Trois de Saint-Cyr ou encore L’appel du silence, ce film apporte un petit pendant réaliste et engagé au cinéma que j'ai l'habitude de défendre sur ce blog. D'aucun diront que j'ai une bonne conscience, les autres y verront le goût du beau cinéma, tout simplement.
Extrait audio : Chanson "Le pied dans la m...." (de Yves Branellec)
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