dimanche 27 octobre 2013

"LE COUPABLE" (de Raymond Bernard, 1937)

En quelques mots : Jérôme Lescuyer est l'héritier d'une importante famille de juristes caennaise. Alors qu'il fait ses études à Paris, il tombe amoureux d'une jeune fleuriste, laquelle tombe enceinte rapidement. Lâche et lucide sur les termes d'une telle union, Jérôme profite de la guerre pour abandonner la mère et le nouveau né. Des années après, ils vont se retrouver dans une terrible affaire de meurtre.

Le coupable est la seconde adaptation au cinéma du roman éponyme de François Coppée (1896), après celle de André Antoine en 1917 avec la jeune Sylvie. Cette version signée Raymond Bernard avait de quoi séduire mais laisse, hélas, un petit sentiment de regret, celui de n'avoir pas vu le grand film qu'il aurait dû être. Mélodrame classique sur le fond - avec un trio de personnages qui s'aiment, se détestent, se retrouvent - et sur la forme - la mise en scène peut souvent sembler balourde, le cadrage hasardeux -, Le coupable ne parvient jamais à captiver le spectateur totalement. Il faut d'ailleurs attendre beaucoup trop longtemps qu'il se passe (enfin) quelque chose. L'intrigue forte - un avocat général découvre qu'il doit plaider la mort de son fils - est réduite à une seule petite scène où Pierre Blanchar affirme qu'il est le véritable coupable, d'avoir abandonné son fils. Elle semblerait aujourd'hui presque grotesque à tous ceux qui répugnent déjà de voir un "vieux film en noir et blanc" tant elle arrive comme un cheveu sur la soupe, sans articulation dramatique. La fin n'est que complaisance scénaristique, niaise à souhait et dénuée de toute émotion (même les acteurs n'y croient pas). Elle ne pouvait, de toute manière, passer comme telle qu'après deux heures d'intensité dramatique, ce qui n'est pas le cas.



Restent quelques très bonnes situations sur la bourgeoisie française du début XXe - formidablement incarnée ici par Gabriel Signoret, dont c'est l'avant dernier film, et Marguerite Moreno, toujours sur le fil. Le scénariste Bernard Zimmer se permet (peut-être avec l'appui du livre, que je n'ai pas lu) de jolies répliques :
- "Tu devrais parler à Marie-Louise ce soir. Une petite déclaration ...
- Quoi, lui dire que je l'aime ?
- N’exagérons rien. Que tu l'épouses ...
- Ah !"



Il faut reconnaître également un talent, peut-être passé de mode, aux actrices Junie Astor et Suzet Maïs, fraîches mais sous-exploitées, et à Pierre Blanchar, que j'adore. Certes, son jeu n'a pas l'apanage des grands vins, il vieillit mal - en témoigne sa plaidoirie, tragique à outrance mais probablement assez réaliste quant à l'élocution bourgeoise de l'époque. Pourtant, je ne cesse de le défendre et me plaît à penser qu'il fut un très grand acteur, comique de surcroît, parfois involontairement : la très courte scène des patins dans l'appartement, au début du film, en témoigne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

A la différence des autres acteurs, celui qui incarne le fils accusé de meurtre a, je trouve, un jeu très moderne et naturel. +1 pour la scène des patins qui est très comique et n'oublions pas le cynisme de certaines scènes, comme la discussion sur le mariage, la dot, lors de l'enterrement...

Julien Morva, a dit…

Oui, Gilbert Gil est plutôt sincère lors des séquences au tribunal. Mais il est sous employé dans ce film, et ses dernières scènes face à Pierre Blanchar ne sont pas crédibles, selon moi.

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