mardi 27 novembre 2012

Bon anniversaire à ... Aldo Maccione (1935-...)

Acteur culte s'il en est, Aldo Maccione a-t-il joué dans un bon film ? Peut-être si l'on regarde le début de sa carrière avec L'aventure c'est l'aventure (où il participe à une scène comique restée dans les mémoires) de Claude Lelouch (1972) ou encore Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? de Robert Lamoureux (1973). Le reste est appréciable pour s'aérer l'esprit, au mieux. Citons entre autres les nanars que sont C'est pas moi, c'est lui (1980), Tais-toi quand tu parles (1981) ou Plus beau que moi tu meurs (1982).



Pourtant, difficile de ne pas aimer celui qui fut surnommé "Aldo la classe". Celui-ci jouit d'ailleurs d'une jolie réputation auprès du public, encore aujourd'hui.

Né le 27 novembre 1935, Aldo Maccione fête aujourd'hui ses 77 ans !

lundi 26 novembre 2012

Les plus belles affiches du cinéma français : "Mam'zelle Bonaparte" (de Maurice Tourneur, 1942)


Est-ce un cap ou une péninsule ?

Telle est la question que l'on peut se poser en voyant que les 10.000 pages vues ont été dépassées en à peu près quatre mois d'existence ! Je n'aurais jamais espéré un tel succès pour ce blog sur un cinéma que beaucoup disent dépassé. Force est de constater que les internautes aiment notre cinéma national, même s'il est antérieur aux années 1980, ce qui me conforte dans l'idée de poursuivre ce blog ! Les 10.000 pages vues ne seront donc qu'un cap !




Regardez le Erich Von Stroheim ! Heureux qu'il est de voir que ses films vous enchantent toujours autant, il vous adresse un clin d’œil enflammé et vous incite à continuer. Il faut signaler également que ce blog est accessible depuis les vidéos présentes sur YouTube. Hélas, régulièrement maintenant, les sociétés de distribution bloquent les droits et m'empêchent de vous présenter des extraits de films, mais il en reste quelques unes qui ont été vues par quelques 10 808 visiteurs ! Merci encore !

Enfin les commentaires sont de plus en plus nombreux et réguliers à présent et témoignent de l'affection que vous portez aux artistes et à leurs films - parfois même à ce blog et au modeste auteur que je suis ! Je ne saurais vous remercier à nouveau !

Les fidèles le savent, nous avons depuis quelques semaines un parrainage exceptionnel puisque l'acteur Patrick Préjean a bien voulu apporter son soutient à ce blog, ce dont je me réjouis à nouveau ici !

Je suis convaincu que toutes ces bonnes nouvelles offrent à ce blog de beaux auspices et annoncent de belles fêtes de fin d'année. Et comme disait Louis Jouvet : "Si c'est pas fini, ça va commencer !"

dimanche 25 novembre 2012

"BONNE CHANCE !" (de Sacha Guitry, 1935)

En quelques mots : Alors qu'elle va porter son linge chez une cliente, la jolie Marie se voit souhaiter "Bonne chance" par un peintre bohème. Convaincue, elle achète un billet de loterie et gagne un gros lot qu'elle entend bien partager avec son ami porte-bonheur. Celui-ci lui propose de faire un voyage d'une dizaines de jours et de dépenser sa part, soit près d'un million de francs. Fiancée, elle accepte pourtant de le suivre.

Bonne chance ! est la première fiction originale écrite par Sacha Guitry pour le cinéma et témoigne de la manière unique qu'avait le fameux auteur de concevoir le divertissement sur grand écran, une farandole de plaisirs égoïstes qui ravissent tous les spectateurs. Guitry est libre devant et derrière la caméra et son film regorge de cette sensation rare de liberté artistique : sur un fond noir on entend Pauline Carton déclarer "Bonne chance !", Guitry s'arrête au coin d'une rue et voyant qu'elle porte le nom d'Albert Willemetz (l'un des plus fameux paroliers de Maurice Chevalier notamment !) il s'exclame "Ah ? Déjà !" ou se délecte à déclarer lors d'un repas "Ce qu'il y a d'embêtant avec les bateaux, c'est que la sauce des asperges ne reste jamais où on la met !". Sacha Guitry dialogue ce film de 75 minutes avec bonheur et nous offre une petite pépite qui se déguste comme une sucrerie. Son immense talent d'auteur comique se retrouve dans une des meilleures scènes du film, celle du repas, que je vous propose d'écouter ici, où les trois personnages se livrent à une joute verbale parfaitement improbable mais magnifique ! A l'image du film, Guitry accumule des scènes inutiles à l'histoire juste pour le plaisir de les tourner.



On image sans mal que Sacha Guitry s'est plu à écrire cette petite comédie romantique pour sa compagne de l'époque, la jolie Jacqueline Delubac, qu'il courtise tout au long du film en jouant de sa différence d'âge, sans se soucier d'une trame scénaristique très faible et d'une mise en scène approximative. Toutes ces faiblesses importent heureusement peu face à la bonne humeur ambiante et à la finesse des mots !

Extrait audio : "Poulet cocotte ? Mais oui coco !"

samedi 24 novembre 2012

"SIGNÉ ARSÈNE LUPIN" (de Yves Robert, 1959)



En quelques mots : Alors que la Première Guerre Mondiale est terminée et qu'il récupère de ses blessures dans un hôpital militaire, Arsène Lupin est approché par un homme qui lui propose de rependre du service, en l'occurrence de cambrioler une riche maison à Enghien. Doublé sur cette affaire, Lupin assiste impuissant à un deuxième méfait où le voleur usurpe son identité !

Qui n'a jamais rêvé d'être Arsène Lupin ? Comme beaucoup de petits garçons probablement, je lisais les aventures du célèbre héros de Maurice Leblanc en rêvant de me glisser la nuit venue dans une quelconque maison bourgeoise pour y dérober une toile de maître en laissant un bouquet de fleurs sur le piano de la propriétaire. A défaut d'exaucer les rêves de mes dix ans, je me contentais de regarder les énièmes rediffusions télévisées des aventures d'Arsène Lupin sous les traits de Georges Descrières en imaginant ma chambre comme le repère secret du cambrioleur magnifique.

Les années passent mais les idoles restent ! Et quelle joie de découvrir cette version cinéma avec un Robert Lamoureux absolument parfait pour ce rôle, mêlant grâce, élégance, humour et efficacité à l'action dans une charmante histoire de chasse au trésor. Qu'importent les incohérences et les séquences improbables si la légèreté l'emporte et le plaisir avec. A la poursuite du trésor des ducs de Bourgogne, Arsène Lupin n'admet autre chose sur son visage qu'un sourire et ne désarme jamais de ruse pour arriver à ses fins, quitte à rouler un jeune journaliste (Roger Dumas) et se venger d'un ancien associé (Yves Robert). Aidé par Jacques Dufilho et surveillé par Robert Dalban, Robert Lamoureux virevolte avec autant d'aise que son avion et nous régale d'une heure et demi d'aventures à travers la France et l'Italie. Après Les aventures d'Arsène Lupin (1957) sous la direction de Jacques Becker, c'est la dernière fois qu'il endosse ce rôle à l'écran. Il nous est largement permis de le regretter !


En témoigne l'inscription qu'il laisse en prison avant de s'évader, Arsène Lupin, bon prince, ne s'envole pas avec tout le trésor de la Toison d'Or mais en laisse une partie au gouvernement français. A l'heure de la "règle d'or", voici peut-être une nouvelle solution pour notre République qui décidément n'a vraiment plus rien à craindre d'Arsène Lupin aujourd'hui !

vendredi 23 novembre 2012

"LA SYMPHONIE FANTASTIQUE" (de Christian-Jaque, 1942)



En quelques mots : Paris, à la fin des années 1820. Hector Berlioz ne vit que pour la musique mais se heurte à l'incompréhension générale de la modernité et survit grâce à ses amis et son métier de critique. Amoureux d'une actrice à succès et rejeté par sa mère, il compose "La symphonie fantastique" et devra attendre bien des années pour connaître la gloire, toujours entachée des malheurs de sa vie.

Je m'étais toujours refusé à regarder ce film, tellement admirateur de l’œuvre de Hector Berlioz que la peur d'être déçu était plus forte que tout. Suite à quelques avis positifs, je me suis lancé avec une appréhension marquée d'emblée par le fait qu'au générique de début, Jean-Louis Barrault (Berlioz, personnage principal) n'apparaît qu'en troisième position ! Curieuse façon de concevoir un film biographique ... mais les premiers instants sont agréables et la personnification du génie de la musique classique est très crédible - cette ressemblance, confinant presque au mimétisme, s'accentue avec l'âge du compositeur. On retrouve avec grand plaisir une interprétation libre d'une anecdote savoureuse des Mémoires de Berlioz où, plein de fougue et d'admiration pour ses maîtres, le jeune musicien interrompt une représentation de Gluck à l'opéra parce que les cymbales ne sont pas parties à temps ! Hélas, le film pèche bien vite par son utilisation trop approximative de la géniale musique et par un excès de sentimentalisme qui occulte toute la création artistique de celui qui fut l'un des meilleurs représentants de la musique classique française.

Jean-Louis Barrault est pourtant un impeccable Hector Berlioz, tourmenté et débordant de créativité, confronté à l'archaïsme des représentants d'une musique dont il s'inspirait pourtant, en la renouvelant. Jules Berry est le premier de ceux-là, éditeur qui reconnait le talent mais ne veut pas risquer de l'aider, suivi de près par Louis Seigner en chef d'orchestre à l'ancienne. Bernard Blier, excellent, est quant à lui l'ami intime qui sacrifie son amour pour le bonheur et la réussite de son camarade compositeur. Les personnages féminins sont tout aussi attachants, entre Lise Delamare (Harriet Smithson) et la jolie Renée Saint-Cyr (Marie), mais beaucoup trop romancés, à l'image de cette œuvre réalisée en pleine Occupation par la Continental.



Ce qui frappe toujours dans les films produits par cette firme, c'est l'importance des moyens développés - ici de superbes scènes d'opéra ou le Requiem aux Invalides - et le message que l'on peut toujours lire entre les lignes d'une fresque à grand spectacle (l'exaltation de la France par ses artistes ou ses grands hommes contre l'obscurantisme, la domination des vieilles idées), qui pousse peut-être à trop romancer une vie qui était déjà assez agitée et se garder de l'ancrer dans la réalité politique changeante du XIXe siècle, ce qui est bien regrettable.

Une Symphonie Fantastique en demi-teinte qui n'est pas aidée par la mise en scène balourde de Christian-Jaque (incapable de filmer une séquence musicale) et des choix un peu simplistes dans les œuvres de Berlioz (on entend les plus célèbres extraits de la Symphonie fantastique, de La Damnation de Faust et du Requiem et c'est à peu près tout). Restent des jolies séquences et une évocation lyrique, très cinématographique finalement, d'un compositeur majeur.

A noter une apparition effacée de Gilbert Gil et un rôle comique pour Noël Roquevert en gendarme !

"LE BOSSU" (de Jean Delannoy, 1944)



En quelques mots : Philippe de Gonzague, qui convoite la femme et la fortune de son cousin le Duc de Nevers, échafaude un plan pour l'assassiner, lui et sa fille. Hélas, sa machination échoue quand un jeune fougueux du nom de Lagardère s'interpose et disparaît avec l'enfant, jurant de venger l'honneur de Nevers. Quelques années plus tard, il revient à Paris et dissimule son identité sous les traits d'un bossu.

Moins connue que la célèbre adaptation du roman de Paul Féval par André Hunebelle, avec Jean Marais dans le rôle du Bossu, ce film tourné en 1944 ne manque pas de panache et d'intérêt pour égaler son successeur. Avec l'arrivée tonitruante de Pierre Blanchar en chevalier de Lagardère, voulant ferrailler pour l'honneur contre le Duc de Nevers, on se délecte de découvrir une version beaucoup plus difficile à trouver sur nos écrans ! Sous la houlette du réalisateur Jean Delannoy en forme (de l'idée dans la mise en scène et un magnifique plan séquence dans les rues de Paris) revivent des personnages que nous connaissons tous : Nevers et sa botte criant sa devise "J'y suis !" à qui veut l'entendre avant de mourir d'un coup porté entre les yeux, sa fille adorée objet de tous les enjeux entre un Gonzague fripouille et une veuve inconsolable, le tout sous les yeux du Régent Philippe d'Orléans et du banquier John Law pour qui on organise une somptueuse fête à la mode américaine ! Lagardère ferait même presque figure de comparse au milieu de cette ébullition de personnages - très amusants Cocardasse et Passepoil - si on ne le retrouvait pas sous les traits d'un vieux bossu à l'accent de la campagne.

Tout l'intérêt du film se porte donc sur Pierre Blanchar toujours prêt à mettre la main à l'épée dès que son honneur est en jeu, quitte à cabotiner un peu dans un rôle qui lui sied pourtant bien, et sur Paul Bernard en prince de Gonzague fourbe à souhait, Louvigny et Caccia assurant les faire-valoir comiques de l'histoire. On pourra toujours trouver à redire sur plusieurs séquences un peu longuettes ou sur des décors peints un peu trop voyants - époque oblige - sans qu'ils ne rappellent pour autant en permanence que ce film est réalisé sous l'Occupation avec des moyens probablement rudimentaires !

Extrait audio : "Si tu ne viens pas à Lagardère ..."


Pierre Blanchar excelle en gentilhomme prêt à faire montre de panache à quiconque le défierait et je ne peux que conseiller aux amateurs du roman-feuilleton, ou même des films, de jeter un œil à cette version tout aussi réjouissante ! J'ai réussi à trouver ce film grâce à une collection des Éditions Atlas (Les plus grands films de cape et d'épée), facilement trouvable sur internet. A vos épées, mes seigneurs !

jeudi 22 novembre 2012

De quoi vous passer l'envie de chatouiller Louis Jouvet !



Dans La Charrette fantôme (1939, Julien Duvivier), Louis Jouvet n'a qu'un rôle secondaire, celui d'un ami clochard de Pierre Fresnay qui se fait bien vite rattraper par la mort. Pourtant, il gagne en intensité ce qu'il perd en temps de présence à l'écran et impose son regard dans une scène que l'on ne peut pas oublier, magnifiée par la mise en scène de Duvivier !

Alors qu'il tente de récupérer calmement son ami Fresnay, ivre, dans un bar bondé où l'alcool coule à flots, voilà que l'imprudent Marcel Pérès lui fait un croque-en-jambe ! Jouvet, décidé à donner une leçon à ce plaisantin, se retourne sans un mot, laisse tomber son mégot de cigarette dans un verre de vin et le donne à boire à l'ouvrier qui, impressionné, obéit sans broncher. Toujours en silence, il tourne les talons et s'en va. Une belle démonstration de force ... tranquille !


"LE CAPORAL ÉPINGLÉ" (de Jean Renoir, 1962)

En quelques mots : 1940, l'armistice est signée avec l'Allemagne et la France connaît l'humiliation de la défaite. Les soldats prisonniers ne songent qu'à une seule chose : s'évader, le Caporal (J.-P. Cassel) en tête. Mais si les plans sont faciles à élaborer, l'action est plus délicate et toutes ses tentatives échouent lamentablement. Il est envoyé en camp de discipline pendant deux mois éprouvants et retrouve ses camarades heureux de leur sort.

Le caporal épinglé est le dernier véritable film réalisé pour le cinéma par Jean Renoir - Le Petit théâtre de Jean Renoir (1971) est une succession de sketchs initialement prévus pour la télévision. On aurait aimé une fin de parcours digne de l'importante carrière de celui qui est considéré comme l'un des metteurs en scènes les plus influents du cinéma français, hélas il n'en est rien puisque cette gentille comédie construite autour d'un petit groupe de prisonniers de guerre se contente d'enchainer les séquences plus ou moins comiques avec de jeunes acteurs très convaincants.
J'ai découvert ce film au cinéma (au Tambour, à l'université Rennes 2) dans une soirée à thème composée par le critique Jean-François Rauger qui nous a expliqué en introduction à quel point ce film était profond. Avec tout le respect que je dois au directeur de programmation de la Cinémathèque Française, cela me semble passablement exagéré.



Si on peut trouver d'énormes qualités au personnage de Claude Rich, toujours formidable, dans sa manière d'aborder l'emprisonnement comme une forme de liberté de son humiliant quotidien (il se fabrique un "donjon" au dessus de la masse de ceux qui rampent), le reste est assez convenu, entre personnages de jeunes premiers plus ou moins héroïques (Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur) et des éléments comiques qui sauvent le film de l'ennui (formidables Mario David, Lucien Raimbourg et Jacques Jouanneau, amusant Guy Bedos) qui se confrontent dans un enchainement de situations qui parfois virent au grotesque (la petite allemande qui déclare à Cassel "J'aime un homme qui n'est pas un esclave !").

On retrouve dans une très belle scène la passion de Jean Renoir pour le théâtre et la mise en scène de la vie quand Claude Rich décide d'aller découvrir la liberté ailleurs, seul. C'est d'ailleurs le thème de cette comédie sombre, la recherche de la liberté et la certitude qu'elle n'est pas forcément derrière les barbelés mais qu'elle peut se trouver à l'intérieur - la séquence de fin est, de ce point de vue, très réussie. Hélas, le metteur en scène s'égare dans des moments parfaitement inutiles et pompiers (l'évasion de Jean Carmet avec sa valise) qui alourdissent un peu un propos intéressant.

mercredi 21 novembre 2012

"AU BONHEUR DES DAMES" (de André Cayatte, 1943)

En quelques mots : Denise a quitté sa Normandie natale pour venir s'installer à Paris chez son oncle Baudu, vendeur de tissus. Hélas l'époque n'est pas des plus propices car le vieil homme souffre de la terrible concurrence du nouveau grand magasin "Au bonheur des dames", dirigé par le séduisant Mouret qui veut racheter toutes les boutiques du quartier. Contre toute attente, Denise se fait embaucher chez lui et tape dans l'oeil du patron, au grand dam de son oncle.

Il faut saluer la bonne idée de France 2 de diffuser ce film dans son Ciné-Club du mardi soir, à une heure un peu tardive, certes. Deuxième adaptation du roman éponyme de Émile Zola, une dizaine d'années après celle, muette, de Julien Duvivier, Au bonheur des dames (1943) a été vilipendé à sa sortie et après la guerre au motifs qu'il était tourné pour la Continental (au service des Allemands) et qu'il transformait une fin originellement plus cynique en un plaidoyer pétainiste où s’efface la lutte des classes au profit d'une belle entente des travailleurs et du patron capitaliste. Revoir ce film aujourd'hui permet de se reposer ces questions et de répondre avec force de recul que cette accusation est infondée puisque la fin proposée par André Cayatte est terriblement conformiste - à la limite du crédible - et devait avant tout chercher à faire plaisir à des spectateurs qui vivaient encore en état d'Occupation étrangère. La fatalité qui aurait sied davantage aux communistes en 1945 n'était peut-être pas des plus égayantes deux ans plus tôt. En outre, cette association du travail et du capital n'est que la belle image d'une réalité plus terrible, celle de Michel Simon écrasé par une voiture de livraison du grand magasin et une rue vidée de tous ses commerces. De quoi poser quelques nuances !

Pourtant, cette fin alambiquée et probablement opportuniste peut gêner un peu la conclusion d'un très beau film, aujourd'hui introuvable en DVD malgré son casting des plus alléchants : Michel Simon en vieillard rabougri et défenseur du petit commerce, Albert Préjean, un peu sous exploité hélas, en grand patron séducteur, Suzy Prim en femme intéressée et manipulatrice, Blanchette Brunoy en jolie vendeuse, Pierre Bertin en créancier et Jean Tissier, élément comique du film, en contremaitre élégant et pédant à souhait ("Premier et dernier avertissement !" répète-t-il à qui veut l'entendre tout au long du film).

Tourné en 1943, le film bénéficie des importants moyens de la Continental et s'offre un magnifique plateau où le grand magasin "Au bonheur des dames" est reconstitué au cœur d'un quartier où fait tâche la pauvre petite boutique de Michel Simon. Celui-ci tente pourtant d'organiser, avec une caisse de communauté, la résistance des petits commerçants face à l'écrasante machine de Albert Préjean où l'on vend aux femmes "tout ce qui leur est indispensable, c'est à dire tout ce qui leur est inutile". La mise en scène de Cayatte est sobre mais s'offre pourtant le luxe de plans de grue et de plans larges sur son magnifique décor photographié avec le talent de Armand Thirard. Non crédité au générique du film, c'est bel et bien Jean Devaivre qui fut assistant metteur en scène, grâce à son expérience.

Difficilement trouvable dans le commerce hélas, ce film reste un formidable exemple de ce qui fut produit par la Continental sous l'Occupation, de 1941 à 1944, et fait montre de contradictions qui ne tendent qu'à réévaluer cette période sombre où l'on croit pouvoir vite porter des jugements définitifs. Ici par exemple, cette société dirigée par les Allemands accepta de financer un film adapté d'un auteur ... prohibé par les nazis !

(Les photos de cet article proviennent du site toutlecine.com)

mardi 20 novembre 2012

Bon anniversaire à ... Henri-Georges Clouzot (1907-1977)

J'évoque assez souvent les films de Henri-Georges Clouzot sur ce blog pour rappeler à nouveau combien le cinéma français lui doit de grands films, à l'image de L'assassin habite au 21 (1942), Le Corbeau (1943), Quai des orfèvres (1947), Le salaire de la peur (1953) ou encore Les diaboliques (1955). Il faut croire que je ne suis pas le seul à aimer ce grand réalisateur puisque le film qui fit sa réputation et lui provoqua des problèmes à la Libération est un des articles les plus consultés du blog, toutes périodes confondues.

Né le 20 novembre 1907, Henri-Georges Clouzot aurait fêté aujourd'hui ses 105 ans !

"MONSIEUR VINCENT" (de Maurice Cloche, 1947)



En quelques mots : Au XVIIe siècle, le nouveau curé de Châtillon, Vincent de Paul, découvre avec effroi que les habitants laissent mourir une femme pestiférée et s'enferment dans leurs maisons. Avec un ancien soldat, il l'enterre et sauve sa petite fille. Dès lors, une aura entoure le nouveau prêtre qui doit bien vite retourner à Paris où sa réputation le précède.

Vincent de Paul est devenu Saint en 1737, près de 80 ans après sa mort et représente pour beaucoup, encore aujourd'hui, un modèle de charité et de dévouement envers son prochain. Réaliser un film sur un Saint est très compliqué car il ne s'agit pas de tomber dans l'hagiographie sans nuances ou de montrer volontairement des choses qui pourraient entacher une telle figure. Monsieur Vincent, du surnom qu'on lui donna de son vivant, échappe à ces deux extrêmes et tente de représenter une partie de la vie de celui qui fonda La Congrégation de la Mission et Les Sœurs de Saint Vincent de Paul, particulièrement sa prise de conscience de la misère et des inégalités du monde qui l'entoure. Réalisé en 1947, le film est aussi une ode à l'apaisement des tensions entre toutes les couches de la société, riches et pauvres, et montre que dans des temps difficiles il y a toujours un homme de bien qui fait honneur à l'Humanité. Pierre Fresnay, qui avait connut des difficultés au sortir de la guerre pour son engagement à la Continental et pour sa participation au Corbeau (1942), incarne ici l'un des hommes les plus admirés de l'Histoire de France, des plus rassembleurs, bien au dessus de tout clivage.

Évidemment, ce thème reste d'actualité - il y a même fort à parier qu'il sera de plus en plus universel - et le film conserve une grande force pour des séquences qui font écho à ce que nous entendons au quotidien dans les médias. Face à Monsieur Vincent qui vient demander du pain et de l'argent, il n'est pas étonnant d'entendre le chancelier dire que "la France aussi a faim : de sécurité, d'ordre" et d'ajouter qu'il n'y aura plus de pauvres car ils vont être arrêtés et internés. La figure du mal nourri est toujours très justement replacée dans sa dualité, écart immense entre le misérable que l'on veut aider mais qui nous répugne par sa misère. Les scènes majeures du film sont d'ailleurs toutes là, des discussions de riches dames qui se concurrencent pour savoir qui va aider le plus de pauvres ou de religieuses qui finissent pas baisser les bras devant des affamés qui ne les respectent pas.


Au milieu de tout ça, Vincent de Paul fait figure de Saint, c'est le cas de le dire. La transformation physique de Pierre Fresnay est tout à fait étonnante de mimétisme, l'acteur disparaissant progressivement au profit de l'âme du religieux, particulièrement dans une des dernières scènes du film où Monsieur Vincent, vieillard admiré de tous, discute avec la Reine de France au coin du feu. On ne peut s'étonner qu'il fut récompensé à la Biennale de Venise par le prix d'interprétation masculine, qui n'est pas dû qu'au maquillage.

D'un classicisme de circonstance, le réalisateur Maurice Cloche n'offre pas une mise en scène de génie mais adaptée à son scénario - il aurait d'ailleurs été vain de vouloir en faire trop avec une telle histoire - et habilement mise en lumière par l'excellent Claude Renoir qui joue sans cesse avec les contrastes comme dans cette magnifique séquence où les bienfaitrices demandent à en faire moins, Vincent passant de l'obscurité à la lumière. On peut également louer le travail de Jean Anouilh et Jean-Bernard Luc sur le scénario et les dialogues, offrant à leur interprète principal des moments pour la mémoire (la séquence finale). On peut aussi avoir plaisir à retrouver Jean Debucourt, Jean Carmet, Pierre Dux ou Gabrielle Dorziat. Michel Bouquet, dans son premier rôle au cinéma, fait comprendre à Vincent, par un très beau monologue, que les pauvres ne peuvent pas s'attendrir sur la misère des pauvres ; Marcel Pérès obtient un tout aussi beau rôle de soldat au cœur tendre sous une allure insolente.

Pour autant, le film ne plaira pas au plus grand nombre ; certains y verront la pénible histoire d'un homme sans défauts, les autres un film où l'académisme s’étouffe dans les bons sentiments et la caricature. J'ose y voir quant à moi l'histoire d'un Saint homme restituée le plus humblement possible par un grand acteur. C'est déjà beaucoup et ça fait du bien.

Les plus belles affiches du cinéma français : "French Cancan" (de Jean Renoir, 1954)


Les plus belles affiches du cinéma français : "La bête humaine" (de Jean Renoir, 1938)


lundi 19 novembre 2012

"DÉDÉE D'ANVERS" (de Yves Allégret, 1948)

En quelques motsÀ Anvers, Dédée (Signoret) est prostituée dans un petit bar de marin tenu par un homme sévère, Monsieur René (Blier) et entièrement soumise à son mac Marco, portier du bar et trafiquant à la petite semaine (Dalio). Un soir, elle croise dans le port un capitaine au long cours qui la fascine. Elle apprend qu'il s'agit d'un vieil ami de René, venu en Belgique pour faire des affaires.

J'avais envie depuis très longtemps de voir ce film que je ne connaissais que par ses affiches et son casting ! Cruelle déception, cette Dédée d'Anvers n'a pas été à la hauteur de mes espérances, probablement parce que le film s'inscrit dans une grande lignée de qualité française qu'il ne parvient pas à égaler, à peine à imiter. De cette œuvre de 1948, on pense très vite aux grands succès d'avant-guerre de Marcel Carné, notamment Hôtel du Nord (1938) et Le Quai des brumes (1938), par l'ambiance brumeuse du port d'Anvers, ces petits caïds qui n'impressionnent personne et ces personnages ancrés profondément dans un quotidien, voilés d'un mystère qui les rend très charismatiques (formidable Bernard Blier), la majorité de l'action se déroulant dans un bistrot où l'on monte et on descend au gré des humeurs. Le pastiche est parfois grotesque, à l'image de Simone Signoret "déguisée" en Michèle Morgan avec son béret et son imperméable en cuir. D'ailleurs, on ne peut pas s'y tromper, le scénariste et dialoguiste Jacques Sigurd travailla par la suite avec Marcel Carné.

Hélas, la sauce ne prend rarement, épisodiquement dans quelques bonnes scènes (le repas du début, les envolées d'autorité de Blier ou le pathétique de Dalio qui tente de brider Signoret) mais ne provoquent la plupart du temps qu'un ennui couvert d'un certain charme esthétique. Toutes les séquences avec Marcello Pagliero sont laborieuses car artificielles, dénuées de toute humanité, ce qui impute au film une part de son efficacité. La mise en scène de Yves Allégret ne sauve rien à l'affaire, malgré des bonnes idées de cadrage, particulièrement sur les dernières minutes du film.


Restent les acteurs qui suffisent à susciter l'intérêt pour cette histoire qui en intéresse peut-être certains. Elle n'est pas dénuée d'un certain charme, traité avec une noirceur exagérée.

samedi 17 novembre 2012

"MAIGRET TEND UN PIEGE" (de Jean Delannoy, 1958)

En quelques mots : Un énigmatique tueur de femme sévit dans Paris sans que la police ne possède la moindre piste. Le commissaire Maigret, pris à partie directement par l'assassin, le soupçonne d'être un orgueilleux et se décide à le provoquer en faisant arrêter un faux coupable pour que le vrai agisse à nouveau lors d'une reconstitution. Si il parvient à s'enfuir, un inspecteur observe l'étrange comportement d'une jeune femme...

Première adaptation d'un roman de Georges Simenon avec Jean Gabin dans le rôle du célèbre commissaire, ce film signé du sérieux réalisateur Jean Delannoy connut un très grand succès à sa sortie, à tel point que l'équipe fut presque obligée de rempiler pour un second épisode que j'ai déjà chroniqué sur ce blog, Maigret et l'affaire Saint-Fiacre. J'ai d'ailleurs, curieusement, préféré cette "suite" à ce piège tendu par un Maigret qui ne semble pas très concerné par son affaire. Il faut dire qu'elle n'est pas bien originale et qu'on découvre très vite de quoi il retourne. Les dernières séquences sont toutefois réussies, en cela qu'elles démontrent qu'un responsable n'est pas toujours le coupable, et inversement. Hélas, ce thème est aujourd'hui bien trop éculé pour être original et la mise en scène sage de Delannoy n'impose rien d'autre qu'un académisme parfois redoutable. Restent, heureusement, les savoureux dialogues de Michel Audiard, inspiré.

Pour autant, Maigret tend un piège n'est pas un mauvais film, je dirais même qu'il se suit très agréablement grâce aux comédiens, Gabin en tête. Annie Girardot est toujours très à l'aise, bien plus que Jean Desailly peu crédible en salaud au rire sadique (grotesque). Les seconds rôles, comme souvent, sont les meilleurs : Paulette Dubost en femme d'un boucher incarné par Alfred Adam, Lino Ventura en policier qui se fait mettre à terre en public par une femme (!), Jean Tissier que j'adore ou encore Jean Debucourt, dans son dernier rôle.

Tout ça plaira aux aficionados du commissaire de Simenon et aux amoureux des acteurs du cinéma français. Le DVD est disponible chez René Chateau, dans une bonne copie.

vendredi 16 novembre 2012

Bon anniversaire à ... Renée Saint-Cyr (1904-2004)

Renée Saint-Cyr reste associée aujourd'hui au nom de son fils, le réalisateur Georges Lautner, qui contribua en grande partie à la deuxième partie de sa carrière : Le monocle rit jaune, Pas de problèmes !, On aura tout vu, Est-ce bien raisonnable ? ou Quelques messieurs trop tranquilles dont je vous propose une photo pour cet article.


Dans les années 1930 et 1940, elle connut une riche carrière, mise en scène par quelques bons réalisateurs comme René Clair (Le dernier milliardaire), Sacha Guitry (Les perles de la couronne), Christian-Jaque (La symphonie fantastique), Albert Valentin (Marie-Martine) ou André Cayatte (Pierre et Jean).

Née le 16 novembre 1904 à Beausoleil, Renée Saint-Cyr aurait fêté aujourd'hui ses 108 ans !

mercredi 14 novembre 2012

"GERVAISE" (de René Clément, 1956)

En quelques mots : A Paris, sous le Second Empire, la belle Gervaise est abandonnée par son amant Lantier et humiliée devant les femmes du quartier. Restée seule avec ses enfants, elle se marie avec un ouvrier-couvreur, Coupeau, qui est victime peu après d'un grave accident de travail. Alors que celui-ci sombre dans la jalousie et l'alcoolisme, Gervaise ouvre sa propre blanchisserie, retrouve son ancien amant et Virginie, qui la détestait jadis.

Gervaise est le prénom de l'héroïne de L'assommoir, roman de Émile Zola publié 80 ans avant que René Clément réalise ce film, au moins la cinquième adaptation au cinéma de ce classique de la série des Rougon-Macquart. Elle met en scène la triste vie d'une blanchisseuse tiraillée entre un ancien amant oisif, un mari alcoolique et une rivale jalouse. Je ne suis pas plus un idolâtre de Zola que des grands films dramatiques où les situations misérables se succèdent à l'écran dans un tourbillon infernal qui ne peut conduire qu'à une fin encore plus terrible. Heureusement pour nous, Gervaise possède un certain nombre de qualités qui en font une adaptation cinématographique très réussie : la mise en scène relevée de René Clément, qui semble se surpasser dans les travellings intérieurs et les mouvements de grue à l'extérieur, associée à une très belle photographie de Robert Juillard (avec qui il avait déjà travaillé sur Jeux interdits) et des acteurs très inspirés. Le film repose principalement sur un quatuor : deux hommes, Armand Mestral et François Périer, très à l'aise dans leurs rôles et dotés d'une petite ressemblance physique amusante et intéressante pour l'histoire ; deux femmes, Maria Schell qui trouve un rôle magnifique et Suzy Delair, parfaite méchante de cinéma, qui incarne la fourberie avec élégance.

Soyons quand même honnêtes, qui n'est pas inconditionnel de l’œuvre de Zola trouvera dans cette histoire quelques longueurs et quelques scènes inutiles. L'enchainement des misères, quand on sait qu'elles ne sont pas éphémères, fatigue un peu à force, mais Gervaise peut compter sur plusieurs très grandes séquences qui touchent au sublime. Il faut voir avec quelle force, quelle violence Maria Schell et Suzy Delair se battent dans un lavoir sous les yeux de toutes les femmes du quartier, d'abord avec de l'eau puis avec les mains, la première infligeant une fessée déculottée d'anthologie à la seconde !




Je vous propose de visionner sur ce blog la deuxième grande séquence du film, quasi en intégralité (d'où une vidéo un peu plus longue que d'ordinaire, vous me le pardonnerez j'espère) : ce repas de fête est le point d'orgue du film et reprend, avec tout le talent des scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, tout ce qui fait la force et l'intérêt de cette histoire : les rivalités, la misère, la faim, la mélancolie, l'amour, la famille, la folie. Il faut voir avec quel passion Maria Schell mange son morceau de poulet, avec la puissance d'une femme qui ne connaît pas la profusion et la beauté d'une maitresse de maison fière de sa soirée. Rarement un regard féminin n'aura été aussi bouleversant d'humanité au cinéma ! L'étirement de la fête, qui manque à plusieurs moments de virer au drame (le nombre de convives, la politique, l'ancien amant qui revient), est bien cet assommoir terrible que décrit Zola, un destin contre lequel on ne peut rien, un trop plein de vie qui écrase tout sur son passage, jusqu'à la voix tremblante d'une jolie blanchisseuse pourtant si belle quand elle chante.

Quand Pétain dormait devant "Les visiteurs du soir" !

Dans le formidable livre de René Chateau sur le Cinéma Français pendant l'Occupation - dont je vante les mérites dès que je peux - on apprend une foule d'anecdotes amusantes. En voici une qui m'a fait sourire : Marcel Carné vient de terminer Les visiteurs du soir (1942) et on demande à Louis-Émile Galey, délégué général du cinéma pendant une partie de l'Occupation, d'aller montrer le film à Vichy. Il est présenté au Maréchal Pétain et son épouse et s'installe derrière eux pendant la projection. D'abord passionné par le film, le Chef de l’État Français s'endort rapidement pour ne plus ouvrir l'oeil avant que les lumières se rallument, l'âge aidant probablement.


Pendant le générique, le Maréchal se relève vivement et vient longuement serrer la main à Galey en lui disant, comme à son habitude, "Bel effort !". Il va pour s'en aller mais se retourne soudainement et ajoute "Ce n'est qu'un détail, mais les mors de bride des chevaux ne sont pas d'époque !". Le vieux militaire n'avait pas perdu son sens de l'observation !

mardi 13 novembre 2012

Les plus belles affiches du cinéma français : "Pontcarral, colonel d'empire" (de Jean Delannoy, 1942)


Jean Gabin lève la jambe pour le French Cancan !

Les moments forts de ce magnifique film de Jean Renoir sont nombreux, mais le premier qui me revient toujours en mémoire est cette présence de Jean Gabin, en coulisses, soucieux du bon déroulement de son spectacle, qui sourit quand les gens applaudissent et qui lève la jambe au rythme du French Cancan. On n'a rarement l'occasion de voir Gabin ainsi, alors profitons-en.


French Cancan (1954), le film qui réconcilia Jean Gabin et Jean Renoir, a été magnifiquement restauré par Gaumont et toujours disponible en Blu-ray !

Les plus belles affiches du cinéma français : "Le baron fantôme" (de Serge de Poligny, 1942)


Robert Le Vigan et l'Épuration : l'indignité nationale !

Personne n'a oublié Robert Le Vigan, ce formidable acteur au destin tragique. A la suite du tournage de L'assassinat du Père Noël (1941), il écrit une lettre au directeur de la Continental, Alfred Greven, où l'on peut lire les mots suivants : "Je voulais être un des facteurs participant au nouvel ordre des choses entre les hommes de race blanche que nous sommes. [...] Je suis heureux d'avoir suivi mon jugement et mes sentiments puisque j'en suis à la collaboration bienfaisante où vous voulez m'accueillir".

Durant l'Occupation, il tourne une quinzaine de films, dont Untel père et fils de Julien Duvivier (1943) ou Goupi Mains-Rouges (1943) de Jacques Becker. Cette même année, il s'engage, peut-être sous l'influence de son ami, l'écrivain Louis-Ferdinand Céline, au PPF (Parti Populaire Français, le parti fasciste de Jacques Doriot) et clame tout haut son antisémitisme, jusque dans des émissions de propagande sur les ondes de Radio Paris, où il écrit et interprète des sketchs. Engagé par Marcel Carné et Jacques Prévet pour Les enfants du paradis, il quitte le tournage lorsqu'il apprend le débarquement des Alliés en Italie (Pierre Renoir reprend son rôle) - Arletty, elle aussi inquiète car son amant allemand se bat à Monte Cassino, manque de quitter le film. Il s'enfuit alors avec Céline en Allemagne. Henri Rousso écrit à propos de cette période : "Il traine sa mélancolie. Le foulard autour du cou, une canne "grand siècle" à la main, il n'est plus qu'un vague figurant". Il tente de passer en Suisse en mars 1945. Arrêté, il est emprisonné à Fresnes.

Le procès de Robert Le Vigan s'ouvre en 1946. Il risque la peine de mort pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État. Des professionnels et amis viennent le soutenir au procès et plaider en sa faveur : Julien Duvivier, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, Louis Jouvet, Fernand Ledoux, Pierre Renoir. Tous essayent de convaincre qu'il a été entrainé dans la folie de Céline, qu'il n'est pas responsable de ses actes.



Ils essayent même de le faire passer pour un déséquilibré : Madeleine Renaud explique que Le Vigan dormait avec une hache et un vélo, pour se défendre et s'enfuir. Un diagnostic médical indique pourtant qu'il n'est pas malade, seulement un "déséquilibré psychique [...], intelligent, habile dans sa dialectique [...]". De fait, l'acteur est déclaré responsable de ses actes et condamné à dix ans de travaux forcés, à l'indignité nationale à vie et à la confiscation de tous ses biens.

Après trois ans d'internement, il est libéré sous condition. Il tente de se réinsérer, devient libraire place des Vosges, puis quitte finalement le pays pour l'Espagne et l'Argentine, où il meurt dans la misère en 1972, en ayant toujours refusé de revenir en France. Pierre Chenal, qui l'avait dirigé dans L'homme de nulle part (1937) déclara après sa mort : "Céline : une ordure géniale qui n'a trouvé en Le Vigan qu'un personnage de roman. Et pourtant c'était son copain."

Cet article a été rédigé en partie grâce à l'excellent livre de René Chateau sur le Cinéma Français sous l'Occupation. Les photos proviennent de cet ouvrage.

lundi 12 novembre 2012

Les débuts à l'écran de ... Anouk Aimée !

Avant de devenir une icône sensuelle du cinéma français avec le film de Claude Lelouch, Un homme et une femme (1966), Anouk Aimée a eu une jolie première partie de carrière. On la voit au cinéma pour la toute première fois jeune, à 14 ans, sous la houlette de Henri Calef. Dans La maison sous la mer (1946), elle incarne la fille de René Génin - lequel est bien souvent alcoolisé - et sert le déjeuner des mineurs tous les matins.

Anouk Aimée apparaît quelques minutes à l'écran. La caméra se rapproche doucement d'elle alors que Clément Duhour s'apprête à partir pour de bon et s'arrête en gros plan sur son regard nostalgique. L'année suivante, elle fut engagée chez Marcel Carné. On a vu pire comme début de carrière !

dimanche 11 novembre 2012

"LES AVENTURIERS DU MÉKONG" (de Jean Bastia, 1958)



En quelques mots : Deux Français coincés à Saïgon où ils pensaient faire fortune trainent leur nostalgie du pays avec un troisième larron et regardent jour après jour les bateaux qui partent vers Marseille, sans eux. Une belle aventurière mystérieuse leur propose pourtant de leur donner tout l'argent nécessaire au voyage en échange de leurs services dans une dangereuse mission. Ils acceptent même s'ils ne savent pas encore qu'ils vont devoir voler de l'essence, remonter le Mékong et affronter des pirates !

Probablement tournée dans la foulée de la difficile Rivière des 3 jonques (1957), cette nouvelle aventure réunissant la belle Dominique Wilms et Jean Gaven est bien plus réussie que la précédente. Les premières minutes nous entrainent dans le sillon de quelques français qui vivent par défaut à Saïgon, trop pauvres pour espérer se payer le voyage de retour vers la France, vision que l'on voit assez peu au cinéma, le colonisateur ayant souvent un ascendant financier et moral sur le colonisé. Puisque leur peau ne vaut plus rien, ils acceptent l'étrange mission de Dominique Wilms qui leur offre tout à coup l'opportunité de gagner beaucoup d'argent. Cette première partie du film est plutôt bien menée, tout comme les préparatifs au départ et le vol des bidons d'essence, avec l'aide d'un ancien officier allemand. Leurs aventures les conduisent dans la jungle vietnamienne, infestée de pirates qui ne font pas vraiment peur. Le propos est plus psychologique et on pense vite au Jardin du Diable de Henry Hathaway (1954), construit sur une trame presque identique. Hélas pour tout le monde, c'est Jean Bastia qui se charge ici, très mollement, de la mise en scène. Contraint d'exploiter au maximum le cinémascope et l'eastmancolor, il multiplie les très grands angles et peine à susciter l'intensité dramatique pourtant bien réelle entre les acteurs. Autour de Dominique Wilms, on retrouve l'efficace Jean Gaven, Jean-Pierre Kérien en docteur manipulateur et Gib Grossac en personnage à l'accent exotique.

Étonnamment, le film tient bien la route, malgré quelques longueurs et une réalisation mollassonne. Les personnages sont intéressants et les acteurs parviennent à leur insuffler un passé. Construite sur un modèle classique, type Le trésor de la Sierra Madre (John Huston, 1948), cette aventure intégralement filmée au Sud Vietnam en 1957 offre quelques bons moments, notamment auprès d'une cascade ou lorsqu'il s'agit de se partager l'or découvert dans un trou perdu au milieu de la forêt. La fin est plus laborieuse et n'en fini pas de nous montrer nos deux héros en quête d'un retour vers la Civilisation. Les dernières scènes, sans fioritures, sont assez jolies.

Le film est disponible chez René Chateau et mérite, à mon sens, d'être redécouvert pour ses acteurs, son ambiance dramatique et ses très beaux décors naturels. Pour autant, les plus exigeants d'entre vous en terme de film d'aventure n'y trouveront sûrement pas leur compte.


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