dimanche 30 septembre 2012

Maurice Chevalier toujours dans vos librairies !

40 ans que Maurice Chevalier s'est fait la malle pour de bon et pourtant ... à l'occasion de l'anniversaire de sa mort, deux ouvrages sont sortis en librairie pour le plus grand plaisir de ses fans ! Je dois avouer mon immense admiration pour "Momo de Paris" et ne jamais me lasser de sa gouaille et de ses chansons.

Fort de sa vie exceptionnelle, il rédigea ses mémoires en plusieurs volumes des années 1940 à sa mort, au début pour s'occuper l'esprit (en réalité car il fut persona non grata quelques temps au sortir de la guerre). On peut aujourd'hui retrouver l'essentiel de ses souvenirs dans un ouvrage publié chez Omnibus et préfacé par Jacques Pessis, intitulé tout naturellement Dans la vie faut pas s'en faire. Formidable livre où Chevalier raconte son enfance très modeste, ses rencontres avec les stars de Hollywood, les femmes, son métier ... toujours avec simplicité et humour (c'est écrit comme il parle). De Bernard Lonjon, on trouve encore en librairies Le chéri de ces dames, que j'ai feuilleté rapidement et qui ne semble pas présenter un intérêt majeur. Le livre semble être un produit prétexte à l'anniversaire de la mort de l'artiste, mais je ne l'ai pas lu.

J'aimerais rappeler ici que l'ouvrage de référence reste à mon avis le formidable livre de François Vals, qui fut secrétaire particulier de Maurice Chevalier pendant des années. Riche en illustrations, il apparaît comme une malle aux trésors, avec des inédits, des collectors, des souvenirs et des annotations. On le trouve toujours sur internet, un peu cher mais il vaut largement l'investissement. Incontournable !

samedi 29 septembre 2012

"ELLE BOIT PAS, ELLE FUME PAS, ELLE DRAGUE PAS ... MAIS ELLE CAUSE !" (de Michel Audiard, 1970)


En quelques mots : Germaine (A. Girardot) est femme de ménage à Paris. Elle exerce son métier chez une ambitieuse vedette de la télévision (M. Darc), un employé de banque pervers (B. Blier) et un éducateur pour jeunes enfants qui se travestit la nuit venue (Sim). Tout se petit monde va être amené à se rencontrer et à se faire chanter, et le hasard n'y est pour rien !

Curieusement, je viens de découvrir ce film alors que j'ai vu depuis longtemps la grande majorité des films dialogués par Michel Audiard (y compris ceux qu'il réalisa, avec plus ou moins de bonheur). Certainement, je n'ai pas dû être attentif aux programmations de TCM ou W9 en fin de soirée, ou alors je n'ai jamais voulu voir ce film inconsciemment. Toujours est-il que c'est fait, et que je pourrais prendre plaisir à la revoir, tant il reste tout à fait amusant - si l'on met de côté la mise en scène épouvantable du scénariste qui n'était pas bon réalisateur.

Comme toujours, l'histoire met en images la vie de paumés, de pervers, de dégénérés, en tout cas de marginaux, avec beaucoup d'humour : il faut voir la première scène de Bernard Blier, au réveil, mettant une main au cul à sa femme de ménage (Annie Girardot) en lui disant "Un jour, je vous violerai sur la table à ouvrage ! J'y pense souvent, surtout dans l'autobus !"

Cette brave femme de ménage qui a trois clients réguliers va leur donner des informations intéressantes, si bien qu'ils vont tous trois se faire chanter pour de l'argent, faisant tourner le fric sans le savoir.



L'argument est assez faible évidemment, mais le savoir faire de Audiard pour les dialogues, et l'interprétation succulente des comédiens fait le reste, d'autant qu'ils jouent dans du sur-mesure : Mireille Darc joue une ancienne putain ambitieuse, Bernard Blier un petit escroc pervers, Sim un éducateur catholique qui se déguise en libellule dans les cabarets, Annie Girardot une femme de ménage qui écoute aux portes, Jean Le Poulain un banquier sinistre, Jean-Pierre Darras un ministre qui trompe sa femme, Jean Carmet un patron de bistrot et Robert Dalban est banquier.

Les inconditionnels d'Audiard se régaleront, les autres ne passeront pas un mauvais moment. Voici un petit extrait vidéo d'une scène sympathique où Annie Girardot regarde Mireille Darc (sorte de Jean-Luc Delarue des années 70) dans son émission télévisée, dans un décor qui nous semble aujourd'hui bien kitsch, où une adolescente confie ses problèmes ... pas banals. Qualité médiocre puisque, comme toujours, Gaumont bloque la diffusion sur Youtube.

Bon anniversaire à ... Mylène Demongeot (1935-...)

Elle aurait pu être l'égale d'une Brigitte Bardot mais le destin, et ses choix de carrière, en décidèrent autrement ! En témoigne ce film au titre prémonitoire, elle tourne dans Futures vedettes en 1955 et débute une jolie carrière ponctuée de plusieurs succès. Si on se souvient de Mylène Demongeot surtout pour sa participation aux Fantômas de André Hunebelle aux côtés de Louis de Funès et Jean Marais, elle fut aussi l'interprète de plusieurs films en Italie (dont un tourné par Jacques Tourneur !), d'une Milady pour Les trois mousquetaires (1961), d'une potiche pour les premiers OSS 117. Récemment, on l'a revu chez Olivier Marchal, Fabien Ontoniente (Camping) et même Eric-Emmanuel Schmitt.


Née le 29 septembre 1935, Mylène Demongeot fête aujourd'hui ses 77 ans !

A propos de Fantômas, je me souviens d'une anecdote racontée par Mylène Demongeot, à propos de Jean Marais : sur le tournage d'un des films de la série, elle se trouvait avec "Jeannot" à bord d'une voiture travelling, à l'arrêt entre deux prises. Un passant s'approcha d'eux et cracha au visage de Jean Marais, lui lâchant un "Sale pédé !". Mylène Demongeot, effarée, choquée et peinée pour son ami se tourna vers lui, qui se contenta de dire "Tu vois, ce n'est pas facile tous les jours".

L'autographe présenté m'a été envoyé il y a quelques années par Mylène Demongeot.

"BLAGUE DANS LE COIN" (de Maurice Labro, 1963)


En quelques mots : Jeff Burlington, ancienne vedette du comique, débarque à Las Perlass et se fait engager comme chauffeur de salle dans un casino. Pour se faire apprécier du public, il s'amuse à ridiculiser les chefs des deux bandes qui dirigent la ville. Ces derniers, convaincus qu'il travaille pour quelqu'un de plus important, décident de l'enlever pour le faire parler.

Voilà un bien curieux film dans la filmographie de Fernandel, qui jouit d'une bien mauvaise réputation : les utilisateurs de IMDB l'affublent d'un méchant 3,9/10 ; quant à Jacques Lorcey dans sa biographie de l'acteur, il n'en dit pas plus d'une ligne, laconique. Curieuse malédiction qui frappe cette Blague dans le coin, qui semble bien porter son titre. Et pourtant, les premiers plans du film évoquent l'ambiance des films-noirs américains, le générique est assez réussi, si bien que l'atmosphère outre-atlantique parvient correctement à être restituée dans cette ville cousine de Las Vegas, donnant un départ intéressant à cette comédie policière dont Fernandel suggéra l'adaptation au cinéma. L'acteur fait évidemment sourire en se présentant sous le nom de Jeff Burlington avec son accent marseillais, mais qu'importe ; le ton est assez sérieux et la mise en scène conventionnelle.

L'évolution du scénario n'est pas inintéressante - il est signé par Charles Spaak tout de même (auteur de La grande illusion notamment) - mais manque toutefois de vrai suspens. Maurice Labro n'a pas le savoir faire de Jacques Tourneur et le manque de rythme peut parfois peser sur cette histoire simpliste. Fernandel déploie tout son talent avec plus ou moins d'efficacité (il frise souvent le cabotinage pénible), face à des acteurs dans l'ensemble convaincants : Billy Kearns a vraiment la gueule de l'emploi, tout comme les oubliées Perrette Pradier et Eliane D'Almeida, et les truands Jacques Monod et Roger Dutoit. A noter la présence de Marc Michel (le jeune prisonnier du Trou de Jacques Becker).


Evidemment, Blague dans le coin n'est pas un grand film, et il ne plaira guère qu'aux fans de Fernandel. On pourra d'ailleurs noter quelques évolutions dans sa carrière - le film entend s'inscrire dans la modernité, l'air du temps : ainsi l'ambiance musicale est très jazz, les personnages féminins libérés (mais pas trop) et Fernandel esquisse quelques pas de danse de ce qui ressemble à un mélange de twist et de charleston. Il incarne, en outre, un vieux comique qui enchaîne les tournées sans succès, confrontant alors son personnage à la vieillesse. Un moment émouvant, il apparaît presque face caméra, laissant s'éloigner le jeune couple (et par là même le symbole de la jeunesse révolue), se répétant à lui-même "Je suis un comique, je suis un comique...".






Fernandel insuffle donc un peu de pathétique à son personnage - en témoigne la scène où il arrive déguisé en cowboy, une tenue parfaitement ringarde et démodée - et amène un peu d'intérêt à ce film oublié.

jeudi 27 septembre 2012

Bernard Blier en guise de cadeau d'anniversaire !

Et oui, le 27 septembre - il fallait bien que ça arrive - est la date de mon anniversaire. Ainsi pour fêter mes 24 ans, je m'abandonne à vous parler à nouveau de C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule ! Voici un extrait amusant, pas forcément le meilleur toutefois, où l'on voit Bernard Blier déguisé en bavarois typique, aux accents nostalgiques de l'Occupation.


Une anecdote sur ce passage me revient en mémoire : je connais ce film par cœur depuis très longtemps (allez savoir pourquoi) et, il y a quelques années, alors que j'étais en 4ème, je ne sais quelle envie m'a pris d'arriver en cours de SVT en chantant Heidi Heido Heida comme Bernard Blier. J'aimais déjà l'Histoire mais, encore jeune, je n'étais pas très bien informé de tout. Vous imaginez alors la tête du professeur ...

mercredi 26 septembre 2012

Quelques visages de Noël Roquevert !

Qu'est-ce qu'on l'aime Noël Roquevert. Pour certains cinéphiles comme moi, il fait presque partie de la famille, et c'est un régal de le voir apparaître au générique d'un film ou au détour d'une scène. J'ai même acheté des films uniquement parce qu'il jouait dedans (A pied, à cheval et en spoutnik ...) ! Inépuisable et formidable comédien, Noël Roquevert a participé à quelques 190 films et téléfilms !


Amusez vous à reconnaître les films d'où sont tirées ces photographies de Noël Roquevert. Les plus forts y arriveront sans aide, les autres piocheront dans cette liste : Le Grand restaurant, L'assassin habite au 21, Fanfan la Tulipe, Antoine et Antoinette, Un singe en hiver, Le viager, Les diaboliques, L'âge ingrat, Les Barbouzes, Le corbeau.

"JEUX INTERDITS" (de René Clément, 1952)


En quelques mots : En 1940, alors que des milliers de civils se retrouvent sur les routes, les Allemands tuent dans leurs bombardements les parents et le chien de la petite Paulette. Désaxée, elle trouve refuge dans une ferme de la région, et rencontre Michel, de quelques années son aîné. Les deux enfants décident de créer un cimetière pour animaux et de voler des croix pour les tombes.

Et si Jeux interdits était surestimé ? Et si j'osais dire sur ce blog que je ne considère par un des films les plus connus de René Clément, un des films les plus populaires de son temps comme le chef d’œuvre annoncé ? Je vais m'y risquer ici, à mes risques et périls. Les temps troublés que nous connaissons ne prêtent pas à vouloir pratiquer l'insolence, sous peine de devenir une cible, mais gageons que le sûrement très influent fan-club de Jeux Interdits me laissera la vie sauve.

Bien entendu, loin de moi l'idée de classer ce film dans la catégorie "nanar" ou "navet". De très bonne facture, l'histoire a l'intérêt de montrer la guerre à travers le regard de deux enfants, et plus encore l'apprentissage de la religion catholique, si présente à cette époque, d'autant qu'elle accompagne les rituels liés à la mort. Cette dernière est bien présente dans le film, et constitue même la colonne vertébrale de tout le scénario : la mort des parents de Paulette, la mort de Georges, la mort des animaux.
La guerre n'est pas omniprésente à l'écran, mais en toile de fond - une des meilleures séquences du film est d'ailleurs la petite chanson que chante Brigitte Fossey en marchand et en pleurant aux côtés de Michel qui porte les croix.


Mais de récit initiatique, puisqu'il est question de l'apprentissage de la vie et de la découverte du monde par des enfants, Jeux interdits manque d'ambition, à l'ombre de ses thèmes forts (la mort, la guerre, l'orphelinat, la rigueur rurale). Tout reste assez convenu et, si l'ensemble se suit avec plaisir, difficile de retrouver la puissance d'un film comme Les contrebandiers de Moonfleet, tourné quelques années après, où un enfant fait l'apprentissage de la violence du monde qui l'entoure.

Les dernières images, j'imagine, sèment le trouble chez le spectateur : les plus ardents défenseurs y voient la marque du chef d’œuvre ; les plus dubitatifs dans mon genre trouvent ça bâclé,voire un peu facile - si j'osais, je dirais même un peu pompier. Reste un film habilement mis en scène par René Clément, dont je ne vais tout de même pas renier le savoir faire - la scène de la mort de Jacques Marin est d'ailleurs absolument remarquable, dans la manière de la filmer et de placer les personnages qui fait immédiatement penser à un tableau. L'écriture de Aurenche et Bost est aussi très appréciable.

Il est facile de comprendre le succès de ce film, assez émouvant, d'autant plus au sortir de la guerre. A voir les nombreux prix prestigieux récoltés, j'ai immédiatement penser à Marty, film américain avec Ernest Borgnine, de bonne facture lui aussi, qui récolta en son temps une (bien curieuse) moisson de récompenses. Peut-être suis-je trop désenchanté pour apprécier la simplicité de ces œuvres ?

mardi 25 septembre 2012

ON VEUT VOIR : le dernier film de Suzy Delair !

J'inaugure ce soir une nouvelle catégorie dans ce blog : ON VEUT VOIR ! ... qui comme son nom l'indique entend répertorier un certain nombre de requêtes personnelles (ou pas) concernant des films du patrimoine français, actuellement indisponibles.

Et voici quelques semaines que je m'interroge sur le dernier film de Suzy Delair, un certain Oublie moi, Mandoline (1976), réalisé par Michel Wyn - dont les principaux faits de gloire s'apparentent à ses participations en tant qu'assistant-réalisateur à quelques grands films (Le président, Paris brûle-t-il ?). Je suis bien d'accord, le dernier film où apparaît donc notre chère Suzy Delair sent bon le gros nanar, avec un Bernard Menez en tête d'affiche, ô combien spécialiste du genre. On retrouve également au casting André Pousse, Gérard Jugnot, Marie-Hélène Breillat, Jean-Pierre Darras, Marion Game, Ginette Garcin et Jacques Monod. Du beau monde pour cette comédie où une jolie employée d'agence de pub se laisse séduire par un collègue et vole pour lui un dossier important de son patron.

Difficile de savoir quel rôle vient jouer là dedans Suzy Delair ; pire encore le film n'existe pas en DVD, ni en VHS et j'ai beau arpenter les sites spécialisés, aucune trace de Oublie moi, Mandoline. Ce n'est pas tant pour Bernard Menez, mais Gaumont pourrait tout de même nous offrir la joie du dernier rôle au cinéma de Suzy Delair ! Prochainement, avec un peu d'espoir ?

lundi 24 septembre 2012

"L'AUBERGE ROUGE" (de Claude Autant-Lara, 1951)



En quelques mots : Au XIXe siècle, en Ardèche. Un couple d'aubergistes et leur domestique assassinent depuis 20 ans tous les clients qui viennent trouver chez eux le pain et le coucher. Une froide nuit d'hiver, arrivent simultanément les passagers d'une diligence abîmée, et un moine accompagné d'un disciple. Résignée à ne pas assassiner un homme d’Église, l'aubergiste se confie à celui qui ne doit pas trahir le secret de la confession.

Fernandel n'aimait pas ce film : croyant, il détesta les aspects anticléricaux du scénario mais ne s'en rendit compte qu'au milieu du tournage ; en outre, la mise en scène et la direction du film lui échappèrent, lui qui était habitué à voir les films se construire uniquement autour de son action. De fait, au premier abord, son personnage de curé comique, gesticulant et grimaçant à l'extrême dans une tradition burlesque, peut perturber le spectacle d'un conte cynique, à l'humour grinçant, bien plus fin qu'une simple pochade. C'est même à se demander si Fernandel était bien l'interprète idéal pour ce rôle - il faut aussi se souvenir que Jean Aurenche, scénariste et dialoguiste du film avait déjà écrit pour le comique marseillais pendant la guerre (Adrien, en 1943) uniquement pour faire travailler son ami René Wheeler, sans enthousiasme particulier pour les gags de la star. Retrouver ce casting à l'affiche d'un même film au sortir de la guerre a presque de quoi faire sourire.

Et pourtant ... quiconque découvre ou redécouvre ce film aujourd'hui ne peut être qu'admiratif de la qualité de l'ensemble, du quasi sans-faute de toute l'équipe pour faire de L'auberge rouge un chef d’œuvre de comédie et d'humour noir ... et l'un des plus grands rôles de Fernandel !

L'acteur semble aussi perdu que le personnage qu'il interprète au milieu de tous ces gens parfaitement étrangers : d'un côté la froideur cruelle de Julien Carette et Françoise Rosay en aubergistes assassins, de l'autre les passagers de la diligence (dont Jean-Roger Caussimon, très drôle qui parvient à faire jouer le moine aux cartes, pour de l'argent !). Fernandel seul se démène à les sauver tous, dans beaucoup de situations amusantes, et s'il est bien la star du film, les autres comédiens ont une forte importance et, plus rare, de l'épaisseur - y compris pour le jeune moinillon qui, en l'espace de quelques scènes, renonce à sa vocation et découvre l'amour d'une jeune fille.


Ainsi la star Fernandel n'est plus la star - il n'arrive véritablement dans le film qu'au bout d'un quart d'heure d'ailleurs. Et s'il impose son charisme dans les premières séquences très amusantes où il se présente, montre son reliquaire et improvise une quête, tout bascule dans l'une des scènes les plus célèbres du film. Françoise Rosay, qui ne veut pas assassiner un religieux, décide de tout lui confier pour le faire fuir - sécurisée par le caractère impénétrable de la confession. En quelques minutes drôles à souhait, le film aurait pu sombrer dans le drame. C'est là que le caractère naturellement comique de Fernandel devient l'élément central du film, qui oscille constamment entre farce et horreur, dans une atmosphère teintée d'humour noir.

Son personnage - et c'est peut-être ce qui lui a déplu - est le plus grotesque de l'histoire (on ne croit même pas à son tonsure) : il manque d'oublier la prière du repas car il a faim, fait la quête pour pouvoir manger en prétextant un don pour un Saint, rechigne à confesser une pécheresse car sa soupe est chaude. Les passagers de la diligence semblent avoir un peu plus la maîtrise d'eux-mêmes. Et pourtant, c'est bien lui, avec son humour en parfait décalage avec la situation (probablement involontaire de sa part, qui plus est) qui assure toute sa force au film. Il est la pointe d'ail qui fait d'un simple gigot un plat exquis, et de L'auberge rouge un chef d’œuvre d'humour noir. Constamment perdu, exubérant, à la limite du cabotinage supportable (toute la séquence du mariage), Fernandel compose un personnage comique qui ne fonctionne - et c'est rare dans sa carrière - qu'en opposition aux autres, en réaction à leur flegme.

Une autre forme de comique aurait rendu le film dramatique ou grand-guignolesque. Fernandel, avec le plus grand naturel, fait prendre toute leurs forces aux autres protagonistes du film et aux séquences habilement montées par Claude Autant-Lara. Il faut rendre hommage au travail des techniciens sur ce film, entièrement réalisé en studio, à commencer par le metteur en scène cité, mais aussi aux décorateurs (l'endroit est superbe, tout comme le petit pont de bois et les chemins de neige) et au chef-opérateur qui a créé une sublime lumière (André Bac).

On pourrait évoquer L'auberge rouge sur des pages et des pages - je me suis juste borné ici à évoquer le jeu crucial de Fernandel. Je vous propose aussi de réécouter sur ce blog la très jolie complainte du générique de début, écrite par René Cloërec et interprétée par un Yves Montand habité.

Extrait audio : La complainte de l'auberge (par Yves Montand)

Evelyne Buyle dans "Bons baisers... à lundi" : culte !

Je l'avais évoqué dans l'article consacré au film de Michel Audiard, Bons baisers... à lundi (1974), le point d'orgue est clairement la prestation finale de Evelyne Buyle, chanteuse de pacotille, qui entend faire une démonstration de son "talent" devant la petite assemblée. Jean Carmet, qui n'a pas compris la ruse de Bernard Blier, est prêt à devenir producteur de musique et gagner beaucoup d'argent. Mais dès lors que sa vedette entre en piste, il déchante ... et les autres dépriment. Un grand moment.

dimanche 23 septembre 2012

"FANTÔMAS" (de Jean Sacha, 1947)

En quelques mots : Alors qu'elle est en train de se marier avec le journaliste Fandor, le terrifiant Fantômas intervient pour capturer sa fille Hélène, en vain. Il lance alors un ultimatum aux autorités françaises et réclame un milliard en or, ou il tuera un million de parisiens. Le commissaire Juve mène son enquête.

Neuvième adaptation du Fantômas de Marcel Allain, ce film signé Jean Sacha respecte finalement assez bien la trame littéraire originale en proposant une série B tout juste convenable, avec des rebondissements improbables et de l'action de pacotille. Il n'y a évidemment aucuns moyens pour ce divertissement populaire, si ce n'est la présence intéressante de Marcel Herrand en prince du crime - inquiétant mais terriblement mal mis en valeur. Alexandre Rignault en commissaire Juve sauve clairement le film par sa présence et son dynamisme, et on peut s'amuser de voir Simone Signoret encore jeunette servir d'atout charme au film. Fandor, terne André Le Gall, ne provoque pas le moindre sentiment d'empathie, ni l'élégante Lucienne Lemarchand en Lady Beltham, rôle malheureusement complètement laissé de côté. A noter dans le casting que l'on retrouve Jacques Dynam, dans un petit rôle, qui deviendra en 1964 l'adjoint du commaire Juve/De Funès dans le Fantômas de André Hunebelle.


Le film existe en DVD chez René Chateau dans une copie un peu abîmée. Je ne suis pas sûr de la nécessité de se procurer ce Fantômas, si ce n'est pour les amoureux de Simone Signoret et les inconditionnels de Alexandre Rignault. Les autres s'ennuieront ferme devant ces aventures sans souffle et sans moyens, et le cabotinage insensé de certains seconds rôles. A noter, pour les amateurs, une petite apparition de Françoise Christophe en ... princesse Daniloff, un de ses premiers rôles (on la retrouvera quelques années plus tard en Lady McRashley dans Fantômas contre Scotland Yard).

Bon anniversaire à ... Romy Schneider (1938-1982)

Je n'avais encore jamais évoqué Romy Schneider sur ce blog. Celle que certains considèrent comme une des plus grandes actrices du cinéma français ne me parle guère, je dois bien le reconnaître, même si certains films sont absolument admirables, je pense au Vieux fusil notamment, revu dernièrement. Toutefois, vous retrouverez dans les semaines à venir des films avec la belle allemande.


Né le 23 septembre 1938, Romy Schneider aurait fêté aujourd'hui ses 74 ans !

Le dernier rôle à l'écran de ... Fernandel !

Fernandel possède une des plus riches filmographies du cinéma français, et jouit d'un prestige important tout au long de sa vie - à juste titre. Après plus de 50 ans de carrière, un peu affaiblit par la maladie et par une décennie plus inégale en terme de bons films, il endossa une ultime fois le rôle d'un homme simple, dans sa Provence natale.

Échec à sa sortie, Heureux qui comme Ulysse (1970) est considéré par le biographe de Fernandel, Jacques Lorcey, comme un des dix meilleurs films de l'acteur ; j'avoue m'inscrire dans cette lignée et accorder une immense affection pour cette tendre histoire. A le revoir aujourd'hui, on est marqué par les premières paroles de la chanson de Georges Brassens "Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, heureux qui comme Ulysse a vu cent paysages, et puis a retrouvé, après maintes traversées, le pays des vertes années". Conduisant son cheval à pied, à travers le pays de son enfance, vers un lieu de liberté pour qu'il finisse paisiblement sa vie, Fernandel conclut magnifiquement sa carrière. On ne peut s'empêcher d'y voir une métaphore de sa propre existence, elle-même jalonnée de cent paysages et de maintes traversées, avec cette "gueule de cheval" qui fit sa gloire.


Les derniers plans du film sont formidables : après avoir libéré son cheval au milieu des seins, Fernandel s'éloigne tout seul, distance la caméra. On ne peut imaginer qu'il s'agisse du dernier plan de sa carrière, il ne peut pas disparaître comme un cowboy solitaire dans un western. Alors qu'il entend un bruit, il se retourne, le visage sombre et voit apparaître son cheval, qui revient vers lui, comme pour le remercier. Heureux, le tout dernier plan de Fernandel au cinéma est un visage souriant, celui du comique populaire qu'il fut toute sa vie, regardant vers le ciel, apaisé et remercié par celui qu'il a aidé. On n'aurait pu lui souhaiter plus belle sortie.

samedi 22 septembre 2012

"LAISSEZ-PASSER" (de Bertrand Tavernier, 2002)


En quelques mots : Pendant l'Occupation, les destins croisés de deux hommes de cinéma : Jean Aurenche, scénariste, qui décide de ne pas travailler pour les Allemands et de vivre dans l'inconfort ; Jean Devaivre, assistant-réalisateur qui rentre à la Continental Films pour assurer sa sécurité, tout en résistant et en fréquentant des dissidents comme Jean-Paul Le Chanois.

Certes, 2002 c'est un peu récent pour que ce film fasse partie de l'âge d'or du cinéma français ... et pourtant, il en est largement question dans Laissez-passer, plus particulièrement du cinéma français sous l'Occupation. A travers le destin de deux hommes de cinéma, Bertrand Tavernier reconstitue le Paris occupé, les tournages de l'époque, les hommes et les idées. Fait étonnant, j'évoquais il y a quelques jours, en filigrane, le tournage de La main du diable pour rappeler que c'est Jean Devaivre qui prêta sa main pour les besoins d'une scène importante. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir le lendemain, dans le film de Bertrand Tavernier, une séquence qui résume cette anecdote (que je vous propose de revoir ici en vidéo).

On se régale de voir reconstitués les tournages de deux films de Maurice Tourneur (très bien interprété par Philippe Morier-Genoud), La main du diable et Cécile est morte, et de Richard Pottier, Huit hommes dans un château et Les caves du Majestic, et de découvrir les détails d'un tournage pendant la guerre : manque de nourriture, scénaristes emprisonnés, manque de bois (réquisitionné pour faire des cercueils !) et metteurs en scène parfois dépassés. Jean Devaivre (formidable Jacques Gamblin) entre à la Continental, et on rencontre avec lui son directeur, le tolérant Alfred Greven qui engagea consciemment un juif communiste comme Jean-Paul Le Chanois parce qu'il savait qu'il était bon scénariste.

Michel Simon de dos, sur le tournage de Au bonheur des dames (de André Cayatte)

Les séquences avec le scénariste Jean Aurenche (très bon Denis Podalydès) sont moins fortes, plus personnelles, et cèdent d'ailleurs le pas rapidement aux aventures dans la résistance de Jean Devaivre. La longueur (peut-être un poil excessive) du film ne gâche rien au plaisir, et je ne peux que le conseiller à tous les cinéphiles curieux de cette période.

Bon anniversaire à ... Erich von Stroheim (1885-1957)

Évidemment, on pourrait sans mal paraphraser Lino Ventura dans Cent mille dollars au soleil et oser un "Tu serais pas né un p'tit peu du côté de Berlin, toi ?" pour se demander ce que vient faire Erich von Stroheim dans ce blog sur l'âge d'or du cinéma français. J'ose imaginer pourtant que personne n'a oublié ses formidables compositions sous la houlette de metteurs en scène français. A l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, l'ami autrichien tourna avec Edmond T. Gréville, Pierre Chenal, Christian-Jaque (Les disparus de Saint-Agil face à Simon et Jouvet), Georges Lacombe, Richard Pottier et Jean Delannoy.

Réalisateur incompris à Hollywood, il émigra en France où il était respecté. Quelques rôles à Hollywood ont pourtant contribués à sa légende, à commencer par le chef d’œuvre de Billy Wilder, Boulevard du crépuscule.


Son rôle le plus marquant reste cependant celui du capitaine von Rauffenstein dans La grande illusion de Jean Renoir, aristocrate prussien qui incarne la disparition progressive de l'élite nobiliaire dans les instances supérieures des armées européennes lors de la Première Guerre Mondiale, face à Jean Gabin (l'ouvrier) et Marcel Dalio (le juif). Une composition incroyable qui est restée dans toutes les mémoires.

Né le 22 septembre 1885, Erich von Stroheim aurait fêté aujourd'hui ses 127 ans !

"LE DERNIER DES SIX" (de Georges Lacombe, 1941)


En quelques mots : Six amis qui vivent sous le même toit gagnent une grosse somme d'argent aux jeux. Plutôt que de continuer à vivoter, ils décident de faire fortune séparément et de se retrouver pour partager le magot. Cinq ans plus tard, deux d'entre eux sont assassinés, les autres ouvertement menacés. Le commissaire Wens (P. Fresnay) est chargé de l'enquête.

Le dernier des six est un des premiers films produits par la Continental Films (dirigée par les Allemands sous l'Occupation). L'adaptation de Stanislas-André Steeman est confiée à Henri-Georges Clouzot, qui signe là un brillant scénario ponctué de dialogues très amusants. Le film annonce bien évidemment son Assassin habite au 21 (adapté du même auteur) par bien des aspects : le commissaire Wens déjà interprété par Pierre Fresnay, affublé d'une maîtresse à la grande gueule - délicieuse Suzy Delair - qui se démène avec nonchalance pour résoudre une série de meurtres dans un groupe fermé.

Georges Lacombe signe une mise en scène impeccable, servie par une très belle photographie (de Robert Lefebvre), et insuffle une ambiance propre à un suspens qui tient jusqu'à la dernière minute. Seuls ombres au tableau, les scènes de music-hall apparaissent curieusement datées : le réalisateur refusa d'ailleurs d'en tourner autant que prévu, et son contrat avec la Continental fut rompu.

Sous une forme policière, le film propose pourtant un mélange de suspens et de comédie : Pierre Fresnay campe un commissaire cynique et flegmatique, qui ne semble jamais dépassé par les événements. Suzy Delair (Mila Malou) cherche déjà à se faire engager comme chanteuse, et passe son temps à gouailler contre son Jules ou la Terre entière, pour notre plus grand plaisir. Le reste du casting fait forcément plus pâle figure, malgré la présence toujours sympathique de Jean Tissier et la prestation plus sérieuse de André Luguet, véritable vedette du scénario. La jolie Michèle Alfa, qui remplaça Marie Déa à la dernière minute, ne parvient pas véritablement à tenir tête à tous ces gentlemen.


Gaumont a eu la très bonne idée d'éditer Le dernier des six, difficilement trouvable, en DVD (collection Gaumont à la demande). Non restaurée, la copie est tout de même de très bonne facture et il ne faut pas hésiter une seconde à se procurer ce très bon policier tourné dans les années noires.

Je vous propose un court extrait audio du film où Suzy Delair envoie son amant Pierre Fresnay corriger comme il se doit le patron du music-hall qui a refusé de l'engager !

Extrait audio : "Un conseil en vaut un autre !"

Pierre Mondy et Abel Gance pour "Austerlitz" !

Dans la lignée des hommages après la disparition de Pierre Mondy, j'ai trouvé cette très belle photo prise sur le plateau de Austerlitz, où l'on voit Abel Gance (de dos) diriger l'acteur en Napoléon Ier, à peine reconnaissable tellement il est loin, dans un très beau décor de tournage.

Une photo de Charles Courrière pour Paris Match.

jeudi 20 septembre 2012

Bon anniversaire à ... Jean Dréville (1906-1997)

J'ai déjà évoqué plusieurs fois Jean Dréville sur ce blog, et le hasard du calendrier fait que je continue. Le réalisateur français dont le nom est lié à Noël-Noël mis en scène, entre autres, La cage aux rossignols (1945), La ferme du pendu avec Bourvil dans un petit rôle ou Le Visiteur avec Pierre Fresnay. Il réalisa une partie du film Les sept pêchés capitaux (1952) et La bataille de l'eau lourde, qui fut l'objet d'un bon remake américain avec Kirk Douglas et Richard Harris (Les héros de Télémark).

Avec Noël-Noël, ce fut également Les casse-pieds (1948), A pied, à cheval et en spoutnik (1958) et la mini-série Le voyageur des siècles (1971), sa dernière réalisation.

Né le 20 septembre 1906, Jean Dréville aurait fêté aujourd'hui ses 106 ans !

mercredi 19 septembre 2012

Bertrand Tavernier et les oubliés du cinéma français !

On le sait, le réalisateur Bertrand Tavernier est une des grandes références de la cinéphilie en France. C'est avec et grâce à lui que j'ai exploré pendant plusieurs années le cinéma américain (et je ne saurais que trop conseiller la lecture des indispensables Amis américains et 50 ans de cinéma américain). Un des projets de Tavernier est encore aujourd'hui de réaliser un Voyage à travers le cinéma français (sur le modèle du Voyage dans le cinéma américain de Martin Scorsese), idée qui est, entre autres, à l'origine de ce blog.


En fin connaisseur de notre cinéma national, Bertrand Tavernier a participé à une malle aux trésors au Forum des Images, à Paris, et que je vous propose d'écouter ici en intégralité (environ 2 heures !). Découvrez des films insolites et oubliés tels que Bonne chance de Sacha Guitry, Jericho de Henri Calef, L'homme de nulle part de Pierre Chenal ou Le café du cadran de Henri Decoin !

A qui appartenait la "Main du diable" de Maurice Tourneur ?

La terrible et maléfique "main du diable" qui perd Pierre Fresnay dans le film éponyme de Maurice Tourneur est montrée dans une scène, répondant aux ordres simples de Noël Roquevert, le cuisinier. Jean-Paul Le Chanois, le scénariste, ne voulait pas qu'elle soit filmée, craignant que l'effet ne soit ridicule. La suite a prouvé le contraire, car l'effet marche très bien.


Mais cette main ... à qui appartenait-elle ? Pour la petite histoire, c'est celle de l'assistant-réalisateur de Maurice Tourneur, Jean Devaivre. Ce nom n'est pas inconnu des cinéphiles puisque Devaivre (qui tourna d'ailleurs quelques scènes de La Main du diable) devint réalisateur par la suite. Il est l'auteur, entre autres, de La dame d'onze heures, dont je reparlerai sur ce blog.

mardi 18 septembre 2012

"LA BEAUTE DU DIABLE" (de René Clair, 1950)


En quelques mots : Au seuil de sa vie, l'illustre professeur Faust se morfond de sa mort prochaine et de son œuvre incomplète. Réticent, il signe pourtant un pacte avec le Diable pour que celui-ci lui redonne la jeunesse, la gloire, l'amour et le génie ... en échange de son âme.

Est-ce que je ne serais pas moi-même en train de vendre mon âme au diable en classant ce film parmi les chefs d’œuvre du cinéma français ? Il n'est pas rare, en effet, d'entendre ça et là quelques critiques négatives sur ce film fantastique, sur la performance de Michel Simon notamment. Écrasant largement son partenaire qu'il détestait ("Gérard Philipe ? Un acteur ? Laissez moi rire !"), il livre une composition diabolique survoltée, drôle, terrifiante et omnipotente. On ne voit plus que lui, on n'entend plus que lui, et les amateurs du beau jeune premier, qui doit une partie de sa gloire à Fanfan la Tulipe, seront cruellement amers, tant son rôle est diminué par l'ogre Simon. On pourra dire aussi que celui-ci tend à amener son rôle dramatique vers la comédie, à travers quelques passages précis, ce qui pourrait déséquilibrer le film.

Je ne suis pas de cette catégorie perplexe, et je considère La beauté du diable comme un véritable chef d’œuvre.


Inspiré de la légende de Faust, le film montre un vieux professeur (M. Simon) qui retrouve la jeunesse dans le corps d'un jeune homme (G. Philipe), suivit en permanence par Méphistophélès, serviteur du diable, qui a prit l'apparence du vieux professeur. Le scénario est, de fait, habilement construit et offre de très belles séquences lyriques, pleines d'une poésie désespérée, telles le miroir qui montre l'avenir, le rêve éveillé de gloire de Gérard Philipe ou les appels de Faust à Lucifer.

On l'a dit, Michel Simon vampirise littéralement le film, avec génie, et je vous propose de revoir un extrait du film en vidéo, ci-dessous (qui faillit être coupé au montage, car René Clair n'aimait pas l'accent suisse que prenait Michel Simon en invoquant le Diable). Gérard Philipe est à l'aise dans son rôle de jeune premier, surtout dans la première partie. Les autres acteurs ont beaucoup de mal à exister, si ce n'est dans une moindre mesure la belle Simone Valère.

Tourné dans l'immédiate après-guerre, le film argue que pactiser avec le Diable ne peut provoquer rien de bon (on pourrait s'en douter) : ainsi Gérard Philipe découvre-t-il le destin tragique de ses découvertes : la guerre, la soumission des peuples, les destructions apocalyptiques. Métaphore possible de l'Occupation allemande, le film offre toutefois une issue optimiste, puisque le peuple se soulève contre l'envoyé du diable et la paix revient dans la ville. Ces dernières séquences, parfaitement filmées, sont très prenantes. La belle photographie mystérieuse de Michel Kelber s'allie avec merveille à la mise en scène soignée de René Clair, et apporte une ambiance semblable à La main du diable, de Maurice Touneur.

Micheline Francey dans "La charrette fantôme" en vidéo !

J'avais évoqué dès le début de ce blog ma grande admiration pour Micheline Francey, que j'évoque dès que l'occasion s'y prête. J'avais loué dans un précédent article la beauté envoutante et fascinante de la belle actrice dans le film de Julien Duvivier, La charrette fantôme (1939) avec Pierre Fresney et Louis Jouvet. Et bien voici un extrait vidéo d'une des plus belles scènes du film, où Micheline Francey (Sœur Édith) entre dans un troquet malfamé pour rechercher une âme égarée. Si elle ne la trouve pas, elle en conquiert une autre, après s'être fait gratuitement jeter un verre au visage.

lundi 17 septembre 2012

Lumière sur ... Pierre Mirat (1924-2008)

TF1 diffusait ce soir une énième fois Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?, de plus en plus difficile à retrouver car coupée par trois publicités ! Mais elle avait ce soir un goût particulier puisque programmée en hommage à Pierre Mondy. Et c'est avec malice que je me suis rappelé que Pierre Mirat, ce sympathique comédien populaire, y avait un petit rôle. L'occasion de revenir pour ce blog sur les quelques rôles marquants de cette figure que tout le monde connaît - sans parfois le savoir !


La photo doit rapidement mettre le cinéphile sur la voie ! Pierre Mirat, c'est en effet le fameux sourdingue de Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil, 1964), le marchand d'essence et de boisson, un peu dur de la feuille, ce qui lui vaut son surnom. Une infirmité qui ne l'empêche pas de se faire casser la gueule - en même temps que tout son commerce - par un Lino Ventura peut amène de passer pour un imbécile.

Ce rôle est de loin son plus marquant, et il faut souvent bien chausser ses lunettes pour le retrouver à l'écran, malgré une filmographie assez volumineuse. Outre un très grand nombre de téléfilms - parmi lesquels Le voyageur des siècles (1971), que j'évoquais il y a quelques jours, où il incarne le Roi de France Louis XVI -, on peut le retrouver par deux fois face à Louis de Funès : dans Comme un cheveu sur la soupe, en agent de police souriant, et dans Le Tatoué, en ministre de la culture. Avec Noël-Noël, il incarne Viviani dans A pied, à cheval et en voiture et A pied, à cheval et en spoutnik, et incarne à nouveau un policier dans 125, rue Montmartre. Milicien dans Fortunat, on le voit dans Un nommé La Rocca et, comme tout le monde, dans Paris brûle-t-il ? (en patron de bistrot).

Pierre Mirat est au générique avec Fernandel dans L'homme à la buick puis Heureux qui comme Ulysse. Il termine sa carrière dans T'aime, seule et unique réalisation de Patrick Sébastien, en 2000.

Extrait audio : "Vous n'êtes pas des amusants !"

dimanche 16 septembre 2012

"LE QUAI DES BRUMES" (de Marcel Carné, 1938)


En quelques mots : Jean, militaire colonial, arrive au Havre par une nuit de brouillard, cherchant à s'embarquer rapidement sur un navire. Il y rencontre un patron de taverne qui lui vient en aide, un vieux marchand malhonnête, un petit caïd qui veut faire la loi et une belle jeune femme qui rêve aussi de s'évader.

Un de ces films qui fait partie de la mythologie du cinéma français pour son couple phare - Jean Gabin et Michèle Morgan - et leur fameuse scène de baiser ponctuée d'un "T'as d'beaux yeux tu sais !". Qui n'a jamais entendu cette phrase dans sa vie ? Toutefois, il faut se rappeler qu'elle est extraite d'un des grands films de Marcel Carné, Le quai des brumes, réalisé juste avant la guerre. Le contexte, s'il ne pèse pas forcément sur l'histoire, apporte a posteriori un poids incontestable aux destins tragiques de tous les personnages du film. Ce port noyé dans le brouillard est un symbole de liberté mais aussi un terminus, où vont se rencontrer des êtres paumés, chacun à leur manière. Gabin d'abord, en déserteur de la Coloniale (ce qui choqua la Censure de l'époque), qui erre en quête d'une nouvelle vie ; Michèle Morgan dans sa jeunesse qui ne songe qu'à échapper à son tuteur, incarné par un Michel Simon ambigu, amateur de grande musique mais à la conscience bien lourde. Pierre Brasseur en petit caïd minable n'impressionne pas grand monde, pas même le vieux Édouard Delmont, dit Panama pour y avoir passé plusieurs années.

Le scénario se joue avec habileté des faux semblants ; ainsi tous les personnages changent aux yeux du spectateur à mesure que le film avance : Brasseur le caïd n'est qu'un gringalet qui veut se faire un nom, le gentil Michel Simon ne l'est pas spécialement, Michèle Morgan qui attend comme une tapineuse fait en réalité une nouvelle fugue et qui sait si Delmont n'a jamais été au Panama ? La caméra ne Marcel Carné progresse dans le brouillard permanent, celui des idées et la brume bien réelle qui s'abat sur Le Havre, malgré quelques éclaircies, même au cœur de la nuit (la fête foraine). Revivez en vidéo une séquence d'anthologie :



Le film doit beaucoup à son équipe : Marcel Carné à la mise en scène bien sûr, tout autant que Jacques Prévet qui compose de sublimes dialogues - la scène dans la taverne de Panama, entre Gabin, Delmont et Le Vigan est un véritable chef d’œuvre. Jean Gabin et Michèle Morgan forment un couple que l'on a envie d'aimer, même si l'on sait que leur amour est impossible car perdu d'avance. C'est là une grande force du film, croire encore que quelqu'un va s'en sortir. La scène mythique où ils s'embrassent y gagne encore en sincérité, tant elle ne semble pas feinte. Découvrez cette scène à nouveau ici en vidéo :


Intemporel et magistral, Le quai des brumes reste un de nos plus grands films français.


Note : Pour des raisons de droit pénibles avec Studio Canal, il est impossible de mettre en ligne des extraits du film sur Youtube. De fait, je dois vous les présenter en moindre qualité, sur ce blog.
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