lundi 31 décembre 2012

Bon anniversaire à ... Suzy Delair (1916)

C'est un immense plaisir pour moi de célébrer aujourd'hui l'anniversaire de la grande Suzy Delair, qui fête, en même temps que le réveillon de la nouvelle année, ses 96 ans ! Rendez vous compte, je n'étais pas encore né qu'elle avait déjà déserté les plateaux de tournage - son dernier rôle marquant est à retrouver dans Les aventures de Rabbi Jacob (1973) et sa dernière apparition à la télévision date de 1987. Et pourtant, qu'on l'aime Suzy Delair, avec sa gouaille inimitable, ses jolies gambettes et son air espiègle, toujours prête à mener ces messieurs à la baguette d'une réplique bien sentie. Moi j'ai mon talent dans l'masque, pas dans les fesses déclarait-elle à un producteur dans L'assassin habite au 21 (1942) - de quoi affirmer pour plusieurs années un personnage à qui on ne la fait pas, idéal dès lors qu'il s'agit de jouer les matrones (Le couturier de ces dames, Les aventures de Rabbi Jacob), les garces (Gervaise), les fouineuses (Le dernier des six) ou les amoureuses de caractère (Quai des orfèvres, Pattes Blanches, Copie conforme).



C'est peut-être son tempérament à l'écran qui empêcha Suzy Delair d'accéder à plus de rôles à la hauteur de son talent et d'inscrire son nom à d'autres grands films dans la seconde partie de sa carrière - peut-être le poids de Clouzot aussi, peut-être sa propre volonté. Toujours est-il qu'elle n'a jamais publié de mémoires ou de livre de souvenirs, tout juste quelques interviews filmées. Et malgré un hommage à la Cinémathèque, certains continuent de la croire envolée ailleurs, avec les légendes du cinéma français. De légende, elle est une des dernières encore vivantes et c'est une joie de le rappeler aujourd'hui. Bon anniversaire Suzy !

Pour tous les amateurs qui se plaisent à écouter la jolie voix de Suzy Delair, cette très sympathique chanson moins connue que son fameux Tra-la-la où l'actrice-chanteuse s'amuse avec ses musiciens, à la manière d'un Fernandel. Dernier cadeau, tout en légèreté, avant 2013 !

Extrait audio : Orange, café, tabac.

dimanche 30 décembre 2012

"MACAO, L'ENFER DU JEU" (de Jean Delannoy, 1939)



En quelques mots : Werner von Krall, aventurier en Chine, est chargé d'acheter une importante cargaison d'armes qui doit servir à mener la guerre sino-japonaise. Dans un village dévasté, il rencontre une actrice française, Mireille, et l'emmène avec lui à Macao où il compte régler ses affaires avec le puissant Ying-Tchaï, marchand d'armes et propriétaire d'un casino.

Les films d'aventures en Asie sont souvent prétextes à mettre en scène des marchands d'armes - on se souvient de l'excellent Gary Cooper en trafiquant au grand coeur dans Le général est mort à l'aube (L. Milestone, 1936). Dans ce Macao de Jean Delannoy, les roulettes du casino servent de métaphore au jeu cruel et risqué auquel se livrent Erich von Stroheim en trafiquant d'armes, Mireille Balin en actrice faire-valoir et Sessue Hayakawa en maître de la ville. Une première histoire mêle ses trois personnages qui, chacun, veulent s'utiliser pour les propres intérêts - on connaît l'issue de ce petit jeu, et la fin du film est étonnamment dramatique, ce qui ajoute à sa force. Une romance parallèle vient se greffer au scénario, avec un jeune journaliste bondissant (Roland Toutain) qui tombe amoureux de la fille de celui qui a tenté de l’assassiner parce qu'il gagnait trop aux jeux (Louise Carletti), sans grande utilité sinon d'être la pierre angulaire du suspens final et le prétexte à quelques séquences cocasses avec un petit indicateur local prêt à tout pour gagner 50$.

L'ouverture a tout pour captiver et offre le souvenir d'une très jolie scène où la magnifique Mireille Balin reprise ses bas cependant que la ville est bombardée et Erich von Stroheim tente de négocier quelques dollars pour acheter des armes. Si on peut reprocher le traitement extrêmement classique de Delannoy et des scénaristes pour cette histoire (avec une mise en scène fluide toutefois), elle se laisse regarder sans déplaisir jusqu'à la fin, notamment grâce à ses acteurs.


Je ne me lasse pas de découvrir des films avec la superbe Mireille Balin qui impose son jeu naturel (sa façon de décocher des "Sans blagues !" est savoureuse) et sa beauté à un Erich von Stroheim plus contrasté que d'ordinaire, qui se retrouve à plusieurs reprises dans des situations qui lui échappent et, ce n'est pas courant, s'amourache d'une femme au point de devenir jaloux - il inflige une paire de gifles mémorable à Mireille Balin avant de se confondre en excuses.

Puisque le génial acteur d'origine austro-hongroise était censuré par l'Allemagne nazie, le film le fut aussi et Delannoy, pour assurer la survie de ses négatifs, retourna toutes les séquences de von Krall avec un acteur français "admis", Pierre Renoir (photo ci-contre). Le film fut distribué et se trouva un fervent défenseur en la personne de Jean Cocteau qui, selon les dires du réalisateur, le visionna une dizaine de fois, souvent en séances privées. De là serait née leur collaboration (L'éternel retour, 1943). Au sortir de la guerre, les séquences originales avec von Stroheim furent réintégrées et c'est cette version que l'on peut découvrir avec plaisir aujourd'hui.

A noter également le très beau travail du chef décorateur Serge Pimenoff qui reconstitua Macao ...à Nice, où le film fut tourné presque intégralement.

Une fessée déculottée pour Suzy Delair !



Outre la formidable séquence du repas que je vous avais proposé de revoir en vidéo, il y a une autre scène d'anthologie dans l'adaptation de L'assommoir par René Clément, Gervaise (1956). Alors que la pauvre Gervaise (Maria Schell) se rend au lavoir, dépitée parce que son amant vient de la quitter, elle est narguée par la soeur de sa nouvelle maîtresse, Virginie (Suzy Delair). Les deux femmes s'affrontent verbalement, puis se jettent de l'eau au visage et finissent par en venir aux mains.

La scène est mémorable, rarement une telle violence entre femmes aura été montrée à l'écran de cette manière, sans fards, avec des dizaines de spectatrices qui encouragent l'une ou l'autre, tel un combat de boxe. Gervaise et Virginie s'envoient des vêtements mouillés au visage, s'enfoncent la tête dans des sceaux d'eau, s'étranglent et se cognent comme des hommes, avec la même brutalité, la même envie de faire mal. Et comme une humiliation suprême, la dernière, alors qu'elle croit avoir trop abîmée Gervaise, Virginie est assommée par un violent coup de torchon et plaquée à terre. La femme trompée, bafouée - héroïne de Zola par excellence - tient sa vengeance : elle arrache le pantalon de Virginie et commence à lui infliger une fessée avec son battoir, criant sa colère dans une euphorie improbable, portée par la jubilation hystérique de toutes les autres femmes qui défoulent par là même leurs propres quotidiens difficiles. L'affrontement s'arrête là, sur une victoire provisoire que personne - et surtout pas le spectateur - n'est prêt d'oublier.

samedi 29 décembre 2012

"LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE" (de Marcel L'Herbier, 1930)



En quelques mots : Alors qu'elle s'apprête à se marier, Mathilde Stangerson reçoit un bouquet de camélias accompagné de quelques mots troublants. Quand elle rejoint le château familial avec son père, elle est victime d'une tentative d'assassinat dans la chambre jaune. Problème : personne n'a pu y entrer ou en sortir et le criminel a disparu. Le policier Larsan mène l'enquête quand débarque le jeune Rouletabille.

Troisième adaptation du roman de Gaston Leroux au cinéma, Le mystère de la chambre jaune de Marcel L'Herbier est le premier à être sonorisé. Il n'y a pas longtemps que l'on parle sur grand écran en 1930 et le générique très original est un formidable document historique : de manière scénarisée, il montre comment et par qui sont enregistrés l'image et le son, qui s'occupe de la direction d'acteur et qui va apparaître à l'écran - sorte de bande-annonce qui promet au spectateur un grand spectacle avec les moyens les plus modernes, un prologue que l'on retrouvera de façon plus comique chez Sacha Guitry quelques années plus tard (dans La Poison notamment).

Pour adapter ce roman en quasi huit-clos, Marcel L'Herbier choisit des décors de studio qui lui permettent de jouer avec les ombres et les lumières et de créer un climat propice au suspens de l'intrigue - lequel met pourtant du temps à se mettre en place, non sans une longue séquence assez énigmatique qui peut perturber les réflexes du spectateur, un rien perdu. Il faut dire que le jeu théâtral, terriblement démonstratif, de l'actrice principale, au coeur de toutes les attentions, Huguette Duflos, n'arrange rien, et il faut tout l'abattage sympathique de Roland Toutain en reporter Rouletabille pour s'intéresser à l'enquête.



Dès lors mon avis se scinde - la mise en scène, les cadrages et la photographie sont soignés, on pense parfois à l'expressionnisme allemand (au début particulièrement où la caméra subjective et les grands décors froids et sombres rappellent la noirceur de Fritz Lang), et si certains acteurs (Toutain, Belières, Vibert) apportent du rythme à cette aventure, d'autres (Duflos, Van Daële) l'enfoncent dans un théâtre filmé qui fait ressortir tous les défauts des débuts du cinéma parlant. L'heure quarante que dure le film est probablement imputable de quelques scènes pénibles.

On ne peut toutefois que saluer Les documents cinématographiques qui ont sortis un très beau coffret Rouletabille avec, en outre, la suite des aventures du reporter, Le parfum de la dame en noir (1931). Hélas, ce Mystère de la chambre jaune est un peu daté et rebutera les moins téméraires, seuls les cinéphiles s'en délecteront.

Bon anniversaire à ... Christian Matras (1903-1977)



On ne parlera jamais assez des directeurs de la photographie, et ce blog ne travaille pas assez à ce que ça change. Voici donc pour moi l'occasion d'évoquer l'un des meilleurs, pas forcément le plus connu, Christian Matras qui participa à nombre de classiques. Après des débuts chez Jean Grémillon et Julien Duvivier, il signe la photographie de La Grande Illusion (1937 de Jean Renoir, Entrée des artistes (1938) de Marc Allégret, Le Dernier tournant (1938) de Pierre Chenal ou Paradis perdu d'Abel Gance (1940), lui assurant déjà une jolie première partie de carrière.

Christian Matras poursuit ses activités pendant la guerre en marge de la Continental, chez Jean Delannoy notamment avec Pontcarral, colonel d'empire (1942) et Le Bossu (1944), signe la photographie d'Un seul amour (1943) réalisé et interprété par Pierre Blanchar et de Boule de suif de Christian-Jaque. Au sortir de la guerre, il met son talent au service de bons films tels que Un revenant (1946), Les jeux sont faits (1947), L'aigle à deux têtes (1948) de Jean Cocteau. Au début des années 1950, il devient le chef opérateur attitré de Max Ophüls pour ses quatre derniers films : La Ronde (1950), Le plaisir (1952), Madame de ... (1953), Lola Montès (1955). Christian Matras semble déployer son talent dans le film historique : de Fanfan la Tulipe (1952) aux Aventures de Till l'espiègle (1956) en passant par Violettes impériales (1952), Nana (1955) ou Destinées (1954), toujours avec des metteurs en scènes de qualité. Cette qualité française qu'il ne quittera jamais pour d'autres horizons. Jusqu'à son dernier film en 1972, il travaille avec André Cayatte (Le Miroir à deux faces, Les risques du métier), Jacques Becker (Montparnasse 19), René Clair (Les fêtes galantes), Jean Delannoy (Les amitiés particulières, Pas folle la guêpe), Henri Decoin ; tout juste rencontre t-il Luis Bunuel en 1969 pour un film, La Voie lactée. Il meurt en 1977.


Christian Matras est né le 29 décembre 1903 à Valence, il aurait fêté aujourd'hui ses 110 ans !

mercredi 26 décembre 2012

ON VEUT VOIR : le porno de Bourvil !

Alors, alors ... du calme ! Comprenez le pauvre petit blogueur que je suis et qui cherche parfois à faire un peu de promotion à son blog sur les moteurs de recherche ! Le titre volontairement provocateur de cet article est purement commercial et ne vise pas les plus cinéphiles d'entre vous, qui voient déjà où je veux en venir. Les acharnés de Bourvil doivent le savoir, sa toute dernière apparition sur les écrans, après sa mort, est un petit caméo dans le film Clodo, réalisé par Georges Clair. Selon les informations du net, il jouerait un portrait vivant dans un tableau pendant quelques secondes - environ une journée de tournage alors qu'il était déjà très malade. Le film fut distribué dans quelques salles et retiré tout aussi tôt. L'affaire serait déjà intéressante si elle ne se corsait par la suite. Des producteurs, aussi peu scrupuleux que moi avec ce titre aguicheur, décidèrent de remonter ce film et d'y insérer des séquences pornographiques. Ainsi naquit Clodo et les vicieuses qui fut distribué quelques temps en 1975 ... je vous laisse juge de l'affiche qui circule sur internet ! Ce film, on ne saurait s'en étonner, fut parfaitement oublié mais sortit tout de même en VHS dans les années 1990 dans sa version originelle, copie qui fut d'ailleurs projetée dans le cinéma de Jean-Pierre Mocky à Paris. Depuis, Clodo reste introuvable, presque légendaire. Tout ceci a-t-il d'ailleurs existé ? Ne serait-ce pas un conte de Noël pour adultes ?

Reste qu'un festival de cinéma bis le programmait encore il y a quelques temps ... alors L'âge d'or du cinéma français veut le voir ! Pour la curiosité d'abord, pour Bourvil ensuite et surtout. Par ailleurs, le film se targue d'un casting intéressant avec Raymond Souplex, Colette Renard, Jacques Jouanneau et même Pauline Carton. De fait, imaginer la seconde version avec les inserts relève tout à coup du surréaliste !

Comme toujours dans ce cas, avis aux amateurs et aux cinéphiles qui auraient peut-être en leur possession une vieille VHS de ce Clodo bien intriguant. Une capture d'écran du dernier rôle de Bourvil serait la bienvenue !

"DON CAMILLO MONSEIGNEUR" (de Carmine Gallone, 1961)



En quelques mots : Les années passent en Italie et dans le petit village de Brescello le calme est revenu : Peppone a été élu sénateur à Rome et Don Camillo est devenu Monseigneur au Vatican. Mais quand un projet immobilier des communistes menace une petite chapelle sacrée, les deux ennemis reviennent dans leur village d'origine pour se livrer à nouveau bataille.

Don Camillo et Peppone sont comme des vieux amis de la famille qu'on prend toujours plaisir à retrouver dans n'importe quelles circonstances, quand bien même ils sont devenus assez hasardeusement sénateur ou Monsignore à Rome. Ce quatrième épisode ne démérite pas et s'inscrit dans la lignée des précédents en mêlant avec bonheur ce qui fait la recette de la série. En plein contexte politique de La Coexistence pacifique entre les États-Unis et l'URSS (où le géant soviétique décide de limiter les affrontements avec son adversaire américain), les deux ennemis de Brescello poursuivent également leur Guerre Froide, entre coups tordus et réconciliations émouvantes. Étonnamment, le film évoque le terme de Détente, période qui n'arriva qu'à partir de 1962 après la crise des missiles de Cuba, soit plusieurs mois après la sortie du film.

Si on peut reprocher au film une dernière partie un peu longuette - mais indispensable pour une fin convenue - elle propose tout de même une très belle séquence d'enterrement civil où le communiste Peppone porte le cercueil d'un camarade avec la bénédiction sonore du Clergé (Don Camillo décide malgré tout de sonner les cloches de son église), et on se prend de rêver à une autre aventure lorsque les deux compères se séparent à la gare pour retourner à leurs activités personnelles. Même flanqué de seconds rôles intéressants et marquants - Gina Rovere ou le génial Alexandre Rignault, sous exploité - rarement un duo de cinéma aura aussi bien fonctionné à l'écran, qu'il vampirise littéralement. Toute la force de la série est là, alliée à une intrigue ancrée dans l'Histoire contemporaine, et on sait qu'elle pourrait durer dix épisodes de plus qu'on ne s'en lasserait pas. Chaque séparation finale conserve un formidable potentiel nostalgique et émouvant, une sorte de magie d'autant plus touchante qu'elle n'est pas légion.


mardi 25 décembre 2012

Jean Marais et les Rois de France ...



Pour beaucoup, Jean Marais est indissociable de l'idée que l'on se fait d'un gentilhomme de l'époque moderne au cinéma. Et comme souvent, de l'épée à la perruque poudrée il n'y a qu'un pas, une récente vision de Si Paris nous était conté (1956) me questionne sur les relations cinématographiques de Jean Marais avec les Rois qui firent la France.

Étonnamment, il n'a joué que deux Rois au cinéma (si l'on excepte le Roi fictif de Peau d'âne). Dans Si Versailles m'était conté, il incarne Louis XV avec beaucoup d'a priori, selon la volonté de Sacha Guitry. Bel homme de son temps, Marais en était l'interprète idéal - même si la ressemblance n'est pas flagrante - et puisque l'on ne parle du successeur de Louis XIV qu'à travers ses frasques amoureuses, l'auteur et réalisateur se fait plaisir d'emblée avec une superbe réplique : Je ne suis pas éloigné de lui préférer Trianon. On doit y faire mieux l'amour ... et dès ce soir j'aimerais que vous fussiez de mon avis ! - comment la belle Micheline Presle/Pompadour pourrait résister à tant d'élégance ? Hormis une jolie scène (parfaitement improbable) où il évoque la France des Lumières entre Voltaire et Fragonard, ce Louis XV est honteusement empli de clichés sur un monarque qui a fait plus qu'on ne veut bien le croire (1). Pourtant, on se plait à l'imaginer sous les traits charismatiques d'un Jean Marais qui porte bien les costumes !

Trois ans plus tard dans Si Paris nous était conté, Jean Marais est de nouveau Roi de France et se plie encore aux excentricités de Sacha Guitry sous les traits d'un François Ier qui ne parle ... que d'art et d'amour ! Après avoir dévoilé La Joconde à une partie de sa Cour, habillé comme sur un tableau de Clouet, il ordonne qu'elle ne quitte plus le Louvre (elle fut en réalité installée à Fontainebleau dans un premier temps), distribue des pensions aux artistes et s'inquiète pour sa famille. Cette séquence délirante est ponctuée comme il se doit par une nouvelle réplique mémorable : Madame, quant à toi, fais moi ta révérence ... et vient faire l'amour avec le Roi de France ! Pauvre Jean Marais, ces deux rôles de Rois ne sont pas des références dans sa carrière et ne peuvent en aucune manière être pris pour une leçon d'Histoire. Au contraire même, ils contribuent à caricaturer la figure de Rois importants dans l'Histoire de France. Restent des séquences comiques.

Dès lors, il nous est permis de préférer Jean Marais au service des Rois de France qui, seconds rôles, deviennent un peu moins grotesques. Dans La Tour, prends garde ! (1957), il se retrouve simple baladin à chanter devant le Roi Louis XV (Jean Lara) - vieille connaissance - interprété avec plus de retenue ! En 1960, dans Le Bossu, il manque encore de le retrouver mais ne fait face qu'à son cousin, le Régent Philippe d'Orléans (Paul Cambo) pour un duel avec Gonzague et des retrouvailles amoureuses. Son face à face le plus intéressant avec un Roi de France reste probablement celui du Capitan (1961) où, envers et contre les Angoulême, il défend la légitimité du jeune Louis XIII, interprété avec beaucoup d'élégance par Christian Fourcade. Le Chevalier de Capestan a toujours été votre plus loyal serviteur et avant que le combat ne commence, il s’efforçait pour la seconde fois de rallier la noblesse à votre cause ! Ainsi Jean Marais est un bien meilleur serviteur de Roi que souverain de cinéma.

Dans La Princesse de Clèves (1961), il fait face rapidement à Henri II (fils de François Ier) et on remonte encore dans le temps, au XVe siècle, la même année, pour Le miracle des loups où il est à nouveau l'humble serviteur du Roi de France, le méconnu Louis XI. Preuve que son obligeance n'est pas oubliée, c'est le Roi en personne (Jean-Louis Barrault) qui lui donne la main de sa fiancée avant l'indispensable et chaste rapprochement des têtes sans baiser (qui rappelle Le Bossu).

Son passage auprès de Louis XIV, sans doute le Roi de France le plus connu, est curieusement anecdotique (dans Le Masque de fer, 1962), il est vrai que l'on imagine mal Jean Marais auprès d'un Roi qui, dans l'imaginaire collectif, n'aurait pas besoin d'un vaillant serviteur pour le défendre. Avec quelques films, il est donc possible de voir l'Histoire "en creux" et de s'intéresser à l'image que l'on donne des Rois dans les scénarii où Marais galope autant qu'il pourfend, toujours pour la justice et l'honneur. De Louis XI à Louis XV, c'est autant de personnalités qui sont décrites en marge de l'évolution de l'Histoire de France sur plusieurs siècles, des derniers tournois entre chevaliers aux fastes de Versailles à la veille de la Révolution. Avec amusement, on constate également l'évolution du personnage historique de Jean Marais : de Roi au milieu des années 50, il devient le protecteur du Roi dans les années 60 et obtient par là-même ses plus grands succès. On ne saurait aujourd'hui l'imaginer autrement qu'en gentilhomme d'honneur - voire en gentilhomme d'amour comme le laissait supposer Nez-de-cuir en 1951 - car ses créations royales font rire à leurs dépends.

(1) : Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989.

Joyeux Noël 2012 !

Quel travailleur acharné ce Don Camillo ! Alors que vous n'avez pas encore terminé votre repas et que vous vous demandez à peine comment revendre secrètement vos cadeaux inutiles, le brave curé est déjà à l'oeuvre pour que son église brille en ce jour sacré. Notez avec quel soin il repose les couronnes sur la tête de la Vierge et de l'Enfant.


Avec Fernandel (et peut-être la voix du Christ) je me permets de vous souhaiter un Joyeux Noël et de belles fêtes de fin d'année, avec un peu de cinéma français j'espère !

lundi 24 décembre 2012

Bon anniversaire à ... Louis Jouvet (1887-1951)



Louis Jouvet est né un 24 décembre ! Moi j'ai dit bizarre ? Il faut bien que ça arrive à certains d'entre nous et c'est une formidable occasion de s'en souvenir. Evidemment, Louis Jouvet est l'une des idoles du blog - et des internautes je pense. On peut lui reprocher son drôle de jeu, on peut s'agacer de son intonation, reste une légende et des films incontournables, lui qui n'aimait pas vraiment le cinéma. Je vous propose de retrouver tous les extraits audio de l'ami Jouvet présents sur ce blog :

     / "J'ai dit bizarre ? Comme c'est bizarre !" (Drôle de drame, 1937)
     / "Si c'est pas fini, ça va commencer" (Hôtel du Nord, 1938)
     / "Vous m'avez l'air d'un drôle de cheval vous !" (Entre onze heures et minuit, 1949)



Louis Jouvet est né le 24 décembre 1887, il aurait fêté aujourd'hui ses 125 ans !

"MERLUSSE" (de Marcel Pagnol, 1935)

En quelques mots : Dans un collège du Midi, les enfants n'attendent qu'une chose : pouvoir sortir et rejoindre leurs familles pour fêter Noël. Quelques uns, hélas, doivent rester au pensionnat pendant les vacances et ils sont d'autant plus tristes d'apprendre que leur surveillant la veille de Nativité est celui qu'ils surnomment Merlusse, aussi laid que cruel.

Si d'aventure ou d'infortune quelques internautes solitaires passaient ce soir sur mon blog, parce que leur réveillon est interminable, terminé ou qu'il n'a pas eu le bonheur d'être (ou par pur fanatisme de L'âge d'or du cinéma français, je peux toujours rêver ...), je me devrais d'y avoir laissé un conte de Noël. Lequel choisir pour pareille occasion ? J'aurais pu vous reparler du charmant Assassinat du Père Noël (1941) ou en choisir un autre mais je me suis rappelé d'un amical conseil d'un internaute fidèle qui avait évoqué dans un mail le Merlusse de Marcel Pagnol, charmant petit film qui narre l'histoire d'un vieux professeur dont la guerre a modifié le visage pour toujours, détesté des élèves, mais qui sacrifie son modeste salaire le soir de Noël pour faire des cadeaux à ceux qui n'ont pas pu rejoindre leurs familles pour le réveillon. Un vrai conte plein d'humour, de poésie et de chaleur humaine; et qui plus est une jolie déclaration d'amour au métier de professeur. Inutile aujourd'hui de faire la moindre critique sur la mise en scène de Marcel Pagnol puisque le jeu des enfants est suffisamment spontané pour contraster avec la rigidité d'apparat de Henri Poupon surnommé Merlusse parce qu'il sent la morue.

Idéal pour les fêtes, ce conte de Noël est réjouissant, drôle et attendrissant - donc parfaitement de circonstance. Nul doute que vous serez conquis par ce brave professeur qui ne souhaite que le bonheur de ses élèves, particulièrement des plus démunis.


samedi 22 décembre 2012

Bon anniversaire à ... Pierre Brasseur (1905-1972)

Souvent à l'honneur sur ce blog, c'est un plaisir de parler à nouveau de Pierre Brasseur pour fêter l'anniversaire de sa naissance, au début du siècle dernier. Interprète de rôles devenus classiques - ou cultes, c'est selon - il reste pour beaucoup l'inoubliable Frédérick des Enfants du Paradis (1945), Lucien du Quai des brumes (1938), Georges des Portes de la nuit ou encore l'avocat des Bonnes causes (1962). J'avais essayé à travers un article de montrer sa formidable interprétation d'un collabo dans le chef d'oeuvre de Henri Calef, Jericho (1946), page que je vous conseille de consulter à nouveau pour entendre un extrait audio qui reste dans les mémoires !



Né le 22 décembre 1905 à Paris, Pierre Brasseur aurait fêté aujourd'hui ses 107 ans !

vendredi 21 décembre 2012

"SI PARIS NOUS ÉTAIT CONTÉ" (de Sacha Guitry, 1956)

En quelques mots : Las des vieux livres d'Histoire fait de suppositions, des étudiants demandant à un vieux professeur de leur raconter l'Histoire de Paris avec ses souvenirs et ses yeux contemporains. Comme ils reviennent, il leur conte les aventures de la capitale française, des Rois médiévaux à la Libération de Paris en 1944.

De retour de quelques jours passés à visiter le Paris des Rois de France, je n'ai pu que constater l'omniprésence dans les boutiques de souvenirs des derniers films historiques de Sacha Guitry sur Versailles, Napoléon et Paris. Référence s'il en est, Si Paris nous était conté impressionne toujours par son formidable casting de stars et son ambition de retracer en deux petites heures plusieurs siècles d'histoire d'une des capitales les plus importantes du monde. Pari insurmontable me direz vous et vous n'auriez que trop raison ! Bien que l'ouverture soit très amusante avec un vieux Sacha Guitry qui se joue des historiens et de leur Histoire - riant même dès lors qu'on évoque la francisque ... - et se propose de raconter à des étudiants Paris telle qu'il la voit à travers des souvenirs et des anecdotes. L'Histoire anecdotique est dangereuse car réductrice mais elle est toujours matière à assurer un très bon divertissement de cinéma. Hélas, comme avec son Si Versailles m'était conté trois ans plus tôt, Sacha Guitry se prend les pieds dans le tapis de l'académisme ronronnant et de l'Histoire à deux balles pour ne laisser place rapidement qu'à un véritable ennui - où les deux petites heures du film deviennent subitement très longues !

Au milieu de longues séquences de dialogues inventés, parfois inspirés, on peut s'amuser à retrouver Jean Marais en François Ier qui ne pense qu'à faire l'amour (comme son Louis XV à Versailles en 1954 !), Robert Lamoureux en Latude, célèbre prisonnier de la Bastille qui s'évada plusieurs fois (dont on peut encore admirer l'échelle de corde au Musée Carnavalet à Paris), Michèle Morgan en Gabrielle d'Estrées (maîtresse de Henri IV) dans un très beau dialogue avec Jean Martinelli et bien sûr Sacha Guitry en Louis XI qui s'offre le très beau rôle d'un Roi important mais méconnu. Les plus tolérants y ajouteront Gérard Philipe en troubadour qui revient à toutes les époques pour nous conter fleurette plus que Paris. Il faut reconnaître d'ailleurs que la ville n'est qu'un prétexte à évoquer quelques pages de l'Histoire de France qui n'ont parfois pas grand rapport (le procès de Marie-Antoinette, le bal de Napoléon III et Eugénie). Restent quelques idées de mise en scène, comme les différentes entrées militaires en plan séquence, ou de scénario, à l'image un peu trop voyante d'une taverne pendant la guerre de cent ans où rôde déjà le marché noir ...



Un Si Paris nous était conté tout aussi décevant que son précédent versaillais pour ma part, que je n'ai pas pris grand plaisir à découvrir. Il peut servir, à la rigueur, de grand Qui est-ce ? du cinéma français des années 1950.

samedi 15 décembre 2012

Où est Louis de Funès dans "Du Guesclin" (1949) ?

J'ai parlé récemment des nombreux coffrets et livres qui sortent sur Louis de Funès à l'occasion de Noël et puisque Laurent Delahousse lui a consacré une émission entière - assez inégale à mon sens, comme à celui de beaucoup d'inconditionnels de l'acteur j'imagine -, je me prête également, avec un opportunisme affiché, à parler un peu plus de celui qui reste un des acteurs comiques les plus populaires en France.

Je me suis prêté au petit jeu de Où est Charlie ?, rebaptisé pour l'occasion Où est Louis de Funès ?, dans le film de Bernard de Latour, Du Guesclin (1949) avec Fernand Gravey dans le rôle du Connétable de France. Cité au générique, il y a souvent désaccord sur le nombre de ses performances dans le film. Je vais essayer ici d'en faire une liste que j'espère complète.

3m30 : "Il était bon entre les bons"
Louis de Funès n'apparaît pas à l'écran mais prononce cette courte phrase en voix-off quand le petit garçon demande à sa mère qui est l'homme représenté devant lui.




37m59 : "Si ce capitaine doit commander l'armée, l'honneur m'en revient !"
Louis de Funès incarne ici un seigneur de France qui aspire à commander l'armée du Dauphin contre les Anglais. "En égard pour mon rang...", phrase qu'il ne peut finir, indique que son personnage est influent à la Cour et probablement dans une partie du Royaume. On peut lire souvent sur internet qu'il s'agit d'un astrologue mais il n'en est rien.




1h03m : "Je connais l'Espagne, c'est un pays sec comme un nombril de couleuvre"
Funès apparaît d'abord en transparence, pour le même personnage, celui de Martin Oriquez "l'espagnol, plus venimeux que vipère". On le retrouve face à Du Guesclin pour cette réplique amusante - la famille de Louis de Funès était d'origine espagnole - et une jolie composition d'un mercenaire des Grandes Compagnies du XIVe siècle, et non un mendiant comme écrit souvent.





1h13m : Rôle muet
Enfin, Louis de Funès apparaît lors de la cérémonie où Du Guesclin est fait Connétable (chef de l'armée) par le Roi de France Charles V ... incarné par Gérard Oury, son futur metteur en scène et ami, un des artisans de sa gloire. Ce rôle n'en est pas un, il s'agit plus d'une figuration où il reprend son rôle de Seigneur.



On peut donc compter deux rôles parlés et une voix-off pour Louis de Funès dans Du Guesclin. Pas de quoi s'affoler puisque ces performances misent bout à bout peinent à dépasser les 2 minutes d'apparition à l'écran, mais un joli coup du hasard puisqu'il retrouva Gérard Oury quelques années plus tard pour des heures plus glorieuses.

vendredi 14 décembre 2012

"LES EAUX TROUBLES" (de Henri Calef, 1949)



En quelques mots : Lorsque Augusta revient vivre chez son père, tout près du Mont Saint-Michel, sa première visite est pour son frère, au cimetière. Disparu en mer, elle veut absolument percer le mystère qui entoure sa mort prématurée. Mais entre son vieux père têtu et son frère infirme, elle se heurte au silence.

Le hasard fait décidément bien les choses puisque je continue d'explorer, après le Du Guesclin de Bernard de Latour (1949), les adaptations cinématographiques de l'oeuvre de l'écrivain Roger Vercel. La même année, c'est donc Henri Calef qui adapte la nouvelle Lames Sourdes pour en faire Les eaux troubles avec Ginette Leclerc dans un de ses premiers bons films d'après guerre et Édouard Delmont en patriarche aux vieilles méthodes d'éducation. Le réalisateur, que j'apprécie beaucoup, poursuit ici son observation de la vie des travailleurs des côtes, deux ans après La maison sous la mer qui décrivait le quotidien difficile des mineurs de Flamanville. Il déclara même que c'était, sur « le plan de l'expression purement cinématographique », son meilleur film autant qu'un « exercice de style ». Si le premier point est discutable malgré d'incontestables qualités dans les cadrages et la photographie (par Roger Dormoy), force est de constater que certains plans ne ressemblent pas à du Henri Calef mais lorgnent plutôt du côté des expressionnistes, voire des surréalistes - avec la captivante scène, quasi onirique, du fils attaché au poteau comme un condamné errant avec son père dans un brouillard sans fin. Le silence des Hommes est ici comblé par les bruits naturels et glaçants de l'environnement et par une musique artificielle un peu languissante sur les bords, et est l'objet de toute la quête de Ginette Leclerc qui cherche à le briser pour connaître la vérité. En cela, Les eaux troubles, reste un très beau film sur les archaïsmes sociétaux de l'immédiate après-guerre qui persistent encore, notamment à la campagne, pendant plusieurs décennies.

Si elle est traitée de garce par une habitante du village, Ginette Leclerc ne l'est pas dans ce film et s'offre un beau personnage de femme, brisée par la disparition d'un frère, sans fards ni beauté. Elle apparaît laide dans plusieurs plans, ce qui ne va pas forcément de soi pour une actrice quoiqu'on en dise, et sert de prétexte à découvrir les plaies qui rongent encore la famille tiraillée entre un vieux père bourru, un frère (Mouloudji) qui n'a plus qu'un seul bras et qui hésite entre l'avenir radieux d'une femme et l'incertitude d'un petit caïd provincial (André Valmy). Les raisons de la mort du jeune frère ne sont pas ce qu'il y a de plus intéressant dans le film mais sont essentielles pour que le vieux Edouard Delmont se livre enfin, raconte son histoire et assume son passé. On pourra trouver un certain classicisme à cette histoire assez brève (1h20) mais son traitement impeccable, inscrit dans l'ambiance si particulière de la baie du Mont Saint-Michel, achève de me convaincre de sa supériorité dans le genre.



Drame familial s'il en est, Les eaux troubles ressemble plus à un film de Ingmar Bergman dans le traitement psychologique de ses personnages et dans la beauté de ses extérieurs. Je vous propose un petit extrait audio entre Delmont et Mouloudji qui vous donnera, je l'espère, envie de découvrir ce film !

Extrait audio : "J'avais de l'eau jusqu'aux chevilles, je suis pas un héros moi !"

mercredi 12 décembre 2012

"DU GUESCLIN" (de Bernard de Latour, 1949)



En quelques mots : Enfant turbulent, fils d'une petite noblesse bretonne, Bertrand Du Guesclin brille par son aptitude au combat. Vainqueur d'un tournoi où il défait de nombreux chevaliers, il devient un combattant de renom. Au service du Roi de France Charles V, il est fait connétable et décide aux destinées de l'armée royale.

A trop regarder des films, on prend un jour l'assurance de pouvoir en réaliser un - du moins on en rêve secrètement. Et comme les idées coûtent moins chères que les tournages, j'ai développé avec les années plusieurs rêveries : réaliser une vie de Hector Berlioz (d'où peut-être ma déception en regardant La symphonie fantastique), une adaptation de Michel Strogoff (elle aussi assez décevante dans sa version de 1956) et une vie de Bertrand Du Guesclin que j'avais intitulée « Le Dogue Noir ». Acclamé ou méprisé, le connétable de Charles V ne laisse pas indifférent et fait figure aujourd'hui encore de référence quand on évoque les grands noms de la chevalerie française. Longtemps j'ai voulu voir ce film de Bernard de Latour, dont certaines scènes ont été tournées à Dinan (Côtes d'Armor), non loin de chez moi. L'ouverture m'a presque rendu jaloux car dans mon scénario aussi l'action débutait à la basilique Saint-Denis, nécropole des Rois de France où fut inhumé Du Guesclin à sa mort - à la différence que j'ouvrais mon « Dogue Noir » lors des profanations de la Révolution Française, qui n'épargnèrent pas le tombeau du Connétable !

Hélas, cette bonne idée passée, le film s'enfonce avec assurance dans le grotesque du carton-pâte y compris ... pour les extérieurs réels ! La vie de Du Guesclin est caricaturée, vidée de toute ambiguïté - celle-là même qui suscite toujours la colère des nationalistes bretons qui n'hésitent pas à faire sauter les statues du Chevalier - et teintée d'un mysticisme de carnaval. Il faut voir Du Guesclin dire, en plein jour, "Regardez ! L'étoile a disparu !". Les poncifs sur la période médiévale s'accumulent aussi rapidement que défile la vie du héros, sans qu'on ne puisse voir une seule bataille - manque de moyens probablement, de volonté sûrement. Il ne faut pas non plus s'attendre à comprendre quoique ce soit au contexte difficile de l'époque puisque les séquences s'enchainent mécaniquement, presque sans logique et se concentrent autour de Du Guesclin et de son fidèle compagnon. On ne peut s'empêcher de sourire en les voyant se battre à deux, dos au mur, et lancer des coups d'épée sur des adversaires qui tombent comme si on soufflait dessus. Ainsi des grandes étapes de la vie du Connétable, n'espérons pas comprendre ce qu'il part faire en Espagne et comment il a pu devenir le chef des armées royales.



Hélas vraiment, car l'interprétation est de qualité et sauve le film du naufrage. Fernand Gravey apporte beaucoup de crédibilité à son personnage et peut ressembler à l'idée que l'on se fait de Du Guesclin, froid, spadassin et presque analphabète. Gérard Oury campe un sobre Charles V de France, tout comme Junie Astor en Tiphaine et Gisèle Casadesus en Jeanne de Penthièvre. Noël Roquevert n'est pas à sa place dans le rôle du fidèle compagnon et fait beaucoup pour rendre le film involontairement comique (tout comme Howard Vernon en Duc de Lancastre), à la différence d'un jeune Louis de Funès que l'on s'amuse à retrouver dans plusieurs petits rôles ! De quoi, égoïstement, me rendre heureux de penser qu'on est loin du grand film que l'on pourrait consacrer au plus célèbre des Connétables de France.

mardi 11 décembre 2012

Bon anniversaire à ... Jean Marais (1913-1998)

Jean Marais a gravé dans toutes nos mémoires de cinéphiles ce grand sourire généreux qui ne cachait rien d'autre que le bonheur d'avoir eu de la chance toute sa vie d'homme et d'artiste. Égérie de poète ou héros de cape et d'épée, celui qui est né le 11.12.13 possède encore un large public d'admirateurs qui ne lassent pas de voir et revoir Le Bossu, Le Capitan, La Belle et la bête, la série des Fantômas, Orphée, Le comte de Monte Cristo, Elena et les hommes, Le Masque de fer ou Peau d'Âne.



Nous fêterons l'année prochaine l'anniversaire des 100 ans de la naissance de Jean Marais. Ce 11 décembre 2012, il aurait fêté ses 99 ans !

samedi 8 décembre 2012

Bon anniversaire à ... Jean-Marie Robain (1913-2004)

Nom peut-être méconnu du public, Jean-Marie Robain a débuté sa carrière au cinéma en 1949 dans Le Silence de la Mer (de Jean-Pierre Melville). Cela reste curieusement son rôle le plus mémorable ... alors qu'il ne dit pas un mot du film ! Preuve s'il en faut que le jeu d'un acteur se résume parfois à des regards, des présences dans un espace. On le retrouve en directeur dans Les enfants terribles (1950), en comte d'Artois (futur Charles X) dans Si Versailles m'était conté ... de Sacha Guitry (1953) ou en Baron dans L'armée des ombres (1969).


Le reste de sa carrière cinématographique est parsemée d'apparitions dans des films de Melville (Bob le flambeur, Quand tu liras cette lettre), Duvivier (L'homme à l'imperméable) ou Mocky (Les compagnons de la marguerite).

Né le 8 décembre 1913 à Biard (Vienne), Jean-Marie Robain aurait fêté aujourd'hui ses 99 ans !

vendredi 7 décembre 2012

"L'HOMME AUX CLÉS D'OR" (de Léo Joannon, 1956)

En quelques mots : Antoine Fournier est professeur d'anglais dans un collège de Lille. Quand il surprend des élèves en train de voler de l'argent dans son bureau, il décide de leur donner une chance. Ingrats, les trois garçons montent un piège contre l'enseignant et, avec la complicité de Gisèle, le font accuser de viol et renvoyer sans ménagement. Quelques années plus tard, devenu portier d'un palace à Monte-Carlo, il n'a rien oublié et prépare sa vengeance.

Sur une trame extrêmement classique, Léo Joannon propose un film honnête qui raconte la triste histoire d'un brave enseignant, dévoué pour les plus misérables, qui se retrouve compromis dans une machination, sans pouvoir jamais s'en défaire, les faits étant trop graves (accusation de viol sur une mineure avec témoins). On a de la peine pour ce pauvre Pierre Fresnay de voir s'accumuler sur lui autant d'injustices mais son personnage est tellement lisse, tellement bon et sans défauts qu'on peut prendre le parti d'y voir une leçon pour qu'il se révolte. En cela la fin est terriblement conformiste et bien pensante, et vient presque gâcher ce joli film d'acteurs. Car je pense qu'il faut le revoir pour eux, sans quoi cette histoire de plat qui se mange froid n'aurait pas franchement d'intérêt. Annie Girardot est celle qui tire le mieux son épingle du jeu en incarnant une jeune femme manipulatrice (il faut voir avec quel perversité elle simule son agression) à l'extrême, rattrapée par un amour imparfait qui va finalement la pousser encore plus loin. Son amant Gil Vidal est plus fade mais suscite bien l'antipathie de son personnage. Pierre Fresnay semble dépassé et son incarnation rigide des bonnes valeurs pèse un peu sur l'ensemble, hélas, même si l'on croit parfois à des sursauts d’ambiguïté.



L'homme aux clés d'or reste cependant un agréable divertissement et maintient jusqu'à la seconde finale le suspens de savoir comment le pauvre professeur va se venger, avec fausses pistes et rebondissements. Il faut quand même oublier la mise en scène plate de Léo Joannon qui n'arrange rien.

"FANTÔMAS CONTRE FANTÔMAS" (de Robert Vernay, 1949)

En quelques mots : La France vit à nouveau sous le joug de Fantômas qui envoie désormais des hommes et des femmes à sa place pour commettre ses forfaits. Préalablement rendus fous, ils sont arrêtés mais ne peuvent témoigner. Un médecin célèbre qui se vantait de pouvoir changer l'âme des hommes a disparu. Est-ce Fantômas ? Est-il un complice du génie du crime ? Ou assiste-t-on un affrontement entre deux êtres maléfiques ? Juve et Fandor mènent l'enquête.

Deux ans après le Fantômas de Jean Sacha avec Simone Signoret et Marcel Herrand, que j'avais trouvé assez mauvais, c'est au tour de Robert Vernay de mettre en scène une nouvelle adaptation de l'oeuvre de Marcel Allain et Pierre Souvestre, toujours avec l'excellent Alexandre Rignault en inspecteur Juve. Celui-ci fait presque figure de comparse, tout comme Fantômas d'ailleurs, laissant grande place à Fandor (Yves Furet) et Marcelle Chantal dans un rôle fort peu intéressant. On se réjouira de retrouver quelques seconds rôles savoureux à l'image de Marcel Pérès en aubergiste inconditionnel de la musique militaire !

Si le film peine à imposer son rythme avec une grosse demi-heure emprunte d'ennui et de mystère, Fantômas contre Fantômas devient attrayant dès lors que Juve et Fandor ont trouvé la piste du malfaiteur. Tourné en 1949, le film porte les stigmates d'une période sombre qui se termine juste et dont les français subissent encore les conséquences; ainsi on retrouve un personnage de médecin fou qui pratique des expériences sur les humains, une thématique hélas inspirée de la réalité (Josef Mangele ou Marcel Petiot pour la France) qui sera l'objet de nombreux films. Fantômas lui-même est représenté comme un continuateur de la barbarie de l'ancien Occupant en rachetant un vieux laboratoire de tortures de la Gestapo (avec prisons et piscine d'acide sulfurique) où il déclare "A ce point-là, le crime atteint au lyrisme, à la poésie pure. Je ne fais pas de politique mais je rends hommage ! Je suis sensible à cette trouvaille comme un poème de Prévert." Ce nouvel aspect revisité du personnage le rend encore plus terrifiant, surtout qu'on ne le voit presque pas et qu'il ne cache jamais son visage sous un masque (très bon Maurice Teynac).

De film policier, Fantômas contre Fantômas offre de belles séquences assez originales; ainsi après un meurtre de sang froid dans un hôpital, on assiste à une course poursuite derrière un corbillard, le tout filmé comme un burlesque américain des années 20 ! Basé sur le cerveau de l'homme, le film fait montre de jolies scènes oniriques effrayantes (la mère qui revoit son petit garçon assassiné). Entre drame pur, enquête policière et morceaux comiques, cette aventure du génie du crime laisse sans voix, et on passe aisément les faiblesses de la narration pour ne retenir qu'une curiosité à découvrir !


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