jeudi 17 janvier 2013

"L'ASSASSIN A PEUR LA NUIT" (de Jean Delannoy, 1942)

En quelques mots : Après un dernier casse, le séduisant Olivier décide de raccrocher et de se mettre au vert quelques temps, dans le Sud de la France, délaissant sa maîtresse Lola. Il y rencontre un jeune ouvrier, Gilbert, et sa jolie soeur Monique, dont il tombe amoureux. Mais l'appât du gain n'est jamais très loin et, à Paris, un antiquaire tente de faire chanter Lola.

Il y aurait beaucoup à dire sur les titres français de certains films américains de la période classique ; à l'image d'un High Noon (Fred Zinnemann, 1953) transformé en Train sifflera trois fois ou She Wore A Yellow Ribbon (John Ford, 1949) devenu La charge héroïque. Je suis d'ailleurs de ceux qui achètent un film ou une affiche pour un titre qui fait déjà rêver. Combien de fois ais-je fantasmé sur Les aventures du Capitaine Wyatt (Raoul Walsh, 1951) juste pour l'exaltante promesse exotique du titre ? Dans le cas présent, je ne peux que constater ma déception devant ce titre prometteur un rien mensonger : l'assassin en question ne l'est pas vraiment - ou pas comme on voudrait qu'il le soit - et de nuit, il n'y a que la lumière d'une chambre d'hôtel. Evidemment, la nouvelle originale est éponyme, belle excuse, et le titre est cinématographique. Pour autant, n'allez pas croire que mon amertume sur ce film de Jean Delannoy n'est liée qu'au titre, ça serait trop simple, mais comme si tout le monde était conscient de sa faiblesse globale, les leurres s'accumulent : jaquette de DVD sur Jules Berry, visage torturé et arme au poing ; Mireille Balin comme star d'un film où elle n'a que quatre scènes.



De fait, L'assassin a peur la nuit est plus un drame sentimental qu'un film policier et après une très bonne ouverture (y compris une petite scène avec deux policiers, géniale), intrigante, bien mise en scène et formidablement éclairée, plus rien ne se passe. On prend plaisir à voir Mireille Balin jouer les femmes fatales, sans éclats, et Jules Berry l'antiquaire fourbe et intéressé ; on suit les aventures amicales puis amoureuses du trio Jean Chevrier/Louise Carletti/Gilbert Gil mais force est de reconnaître qu'il n'y a rien de palpitant. Le film s'étire sur une heure quarante en accumulant les séquences convenues ; seul le geste final du policier pour son prisonnier - lui détacher les menottes pour qu'il puisse saluer sa fiancée - nous sort de notre léthargie volontaire. Restent les décors naturels assez éloignés de l'image grise que l'on peut se faire de l'Occupation.



Jean Delannoy tourna cette adaptation de Pierre Véry (auteur des romans, adaptés au cinéma, Les disparus de Saint-Agil, L'assassinat du Père Noël, Goupi-Mains rouges, Un grand patron ...) en Zone Libre en 1942, trois ans après Macao, l'enfer du jeu. Il semblerait que ce drame ait été pour lui l'occasion de continuer à travailler sans la pression de l'occupant allemand. Du reste, il n'en a jamais gardé un grand souvenir et commença le tournage de Pontcarral, colonel d'empire quelques semaines après.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

je te trouve un peu dur avec ce film que j'ai beaucoup aimé. C'est sur que Delannoy brouille les pistes car son film mélange les styles polar/drame sentimental/fantastique. C'est vrai que le titre est mal trouvé et Berry/Balin ont des rôles court. mais c'est le trio dont tu parle Jean Chevrier/Louise Carletti/Gilbert Gil qui est intéressant. ceci dit la sequence au debut du cambriolage est digne de celle du Rififi de Jules Dassin.
et celle de la maison en ruine où Carletti se refugie avec son automate, c'est un très beau moment digne de Pierre Very. sorti en dvd chez snd/m6 : http://sndgroupem6.com/Produit/126/L-ASSASSIN-A-PEUR-LA-NUIT

philippe m.

Julien Morva, a dit…

Oui les moments dont tu parles sont appréciables, et le trio intéressant. Mais hélas pour moi, ça s'arrête à peu près là.

Mais je le reverrai ! :)

Unknown a dit…

Effectivement j'étais décu de voir aussi peu Berry et Balin.

Anonyme a dit…

Film de grande qualité, sur tous les plans. Je retiens surtout la densité des échanges entre les personnages, la tension sous-jacente à une histoire qui ne peut pas ne pas faire référence à la situation des Français à cette époque, en zone libre ou non. Ils sont "dans la gueule du loup" pour reprendre le nom du café dont rêve le complice du voleur. Ce type de cinéma porte à réfléchir.

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