dimanche 30 décembre 2012

"MACAO, L'ENFER DU JEU" (de Jean Delannoy, 1939)



En quelques mots : Werner von Krall, aventurier en Chine, est chargé d'acheter une importante cargaison d'armes qui doit servir à mener la guerre sino-japonaise. Dans un village dévasté, il rencontre une actrice française, Mireille, et l'emmène avec lui à Macao où il compte régler ses affaires avec le puissant Ying-Tchaï, marchand d'armes et propriétaire d'un casino.

Les films d'aventures en Asie sont souvent prétextes à mettre en scène des marchands d'armes - on se souvient de l'excellent Gary Cooper en trafiquant au grand coeur dans Le général est mort à l'aube (L. Milestone, 1936). Dans ce Macao de Jean Delannoy, les roulettes du casino servent de métaphore au jeu cruel et risqué auquel se livrent Erich von Stroheim en trafiquant d'armes, Mireille Balin en actrice faire-valoir et Sessue Hayakawa en maître de la ville. Une première histoire mêle ses trois personnages qui, chacun, veulent s'utiliser pour les propres intérêts - on connaît l'issue de ce petit jeu, et la fin du film est étonnamment dramatique, ce qui ajoute à sa force. Une romance parallèle vient se greffer au scénario, avec un jeune journaliste bondissant (Roland Toutain) qui tombe amoureux de la fille de celui qui a tenté de l’assassiner parce qu'il gagnait trop aux jeux (Louise Carletti), sans grande utilité sinon d'être la pierre angulaire du suspens final et le prétexte à quelques séquences cocasses avec un petit indicateur local prêt à tout pour gagner 50$.

L'ouverture a tout pour captiver et offre le souvenir d'une très jolie scène où la magnifique Mireille Balin reprise ses bas cependant que la ville est bombardée et Erich von Stroheim tente de négocier quelques dollars pour acheter des armes. Si on peut reprocher le traitement extrêmement classique de Delannoy et des scénaristes pour cette histoire (avec une mise en scène fluide toutefois), elle se laisse regarder sans déplaisir jusqu'à la fin, notamment grâce à ses acteurs.


Je ne me lasse pas de découvrir des films avec la superbe Mireille Balin qui impose son jeu naturel (sa façon de décocher des "Sans blagues !" est savoureuse) et sa beauté à un Erich von Stroheim plus contrasté que d'ordinaire, qui se retrouve à plusieurs reprises dans des situations qui lui échappent et, ce n'est pas courant, s'amourache d'une femme au point de devenir jaloux - il inflige une paire de gifles mémorable à Mireille Balin avant de se confondre en excuses.

Puisque le génial acteur d'origine austro-hongroise était censuré par l'Allemagne nazie, le film le fut aussi et Delannoy, pour assurer la survie de ses négatifs, retourna toutes les séquences de von Krall avec un acteur français "admis", Pierre Renoir (photo ci-contre). Le film fut distribué et se trouva un fervent défenseur en la personne de Jean Cocteau qui, selon les dires du réalisateur, le visionna une dizaine de fois, souvent en séances privées. De là serait née leur collaboration (L'éternel retour, 1943). Au sortir de la guerre, les séquences originales avec von Stroheim furent réintégrées et c'est cette version que l'on peut découvrir avec plaisir aujourd'hui.

A noter également le très beau travail du chef décorateur Serge Pimenoff qui reconstitua Macao ...à Nice, où le film fut tourné presque intégralement.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Jean Graton a fait un clin d'oeil à ce film dans la bande dessinée "Rendez Vous à Macao".

Julien Morva, a dit…

Merci pour cette information ! :)

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